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GORGIAS

Calliclès. — Continue, mon cher.

Socrate. — Je dirai donc que si l’âme tempérante et sage est bonne, celle qui présente un caractère opposé est mauvaise : or cette âme opposée à la première est celle qui est déraisonnable et déréglée. Pas d’objection. — Un homme sage se conduit envers les dieux et envers les hommes de la manière qui convient ; il manquerait de sagesse en effet s’il faisait ce qui ne convient pas. Nécessairement. — Agir à l’égard des hommes comme il convient, bc’est observer la justice ; à l’égard des dieux, c’est observer la piété ; or observer la justice et la piété, c’est forcément être juste et pieux. D’accord. — C’est aussi être courageux ; car ce n’est pas le fait d’un homme sage de poursuivre ou de fuir ce qu’il ne faut ni poursuivre ni fuir. L’homme sage, qu’il s’agisse de choses ou de personnes, de plaisirs ou de peines, ne poursuit et n’évite que ce qu’il faut, et il sait supporter ce que son devoir lui ordonne de supporter[1]. Si bien qu’il est de toute nécessité, Calliclès, que l’homme sage, cétant, comme nous l’avons montré, juste, courageux et pieux, soit aussi l’homme parfaitement bon ; que l’homme bon fasse, en tout, ce qui est bien et beau ; et qu’agissant bien et comme il faut, il ne puisse manquer d’obtenir le succès et le bonheur, tandis que le méchant, agissant mal, est misérable : or ce méchant, c’est précisément l’opposé du sage, du tempérant, c’est l’homme intempérant et déréglé, dont tu vantais le bonheur.

Voilà, quant à moi, ce que j’affirme et tiens pour certain. Si cela est vrai, il me semble donc que chacun de nous, pour être heureux, ddoit rechercher la tempérance et s’y exercer, fuir de toute sa vitesse l’intempérance, faire en sorte avant tout de n’avoir aucun besoin de châtiment ; mais s’il arrive que nous en ayons besoin, nous ou les nôtres, particuliers ou cité, le subir et payer la peine de nos fautes est le seul moyen d’être heureux.

Tel est, selon moi, le but qu’il faut avoir sans cesse devant les yeux pour diriger sa vie. Il faut que chacun tende toutes ses forces, toutes celles de l’État, vers cette fin, l’acquisition de la justice et de la tempérance comme condition

    et 500 c). Calliclès se dérobant, Socrate ne peut plus proprement jouer les Amphion ; la rhétorique n’en aura pas moins son compte.

  1. En tout cela il agit comme il convient et la bravoure se trouve