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MÉNON

définiment les âmes éternelles. À l’appui de cette conception, Socrate cite un passage de Pindare où elle est résumée.

Est-ce à dire que le Socrate du Ménon soit absolument pythagoricien ? Non. Il dit lui-même qu’il n’affirme pas tout ce qu’il vient de rapporter. La conception de Pythagore et de Pindare a donc pour lui la valeur d’une représentation de la réalité qui n’est pas démontrée ni démontrable, qui n’est peut-être pas rigoureusement exacte, mais qui renferme cependant une part de vérité : c’est au moins une hypothèse instructive et utile. Cette conception du mythe est toute platonicienne : le Socrate du Ménon, s’il n’est pas pythagoricien, est du moins très platonicien.

Il l’est bien plus encore dans les dernières lignes du dialogue, quoique sous une forme énigmatique et enveloppée. Après avoir dit en effet, à plusieurs reprises, que l’opinion vraie est une faveur divine (θεία μοῖρα), qu’elle est le lot des « hommes divins », des prophètes et des inspirés, ainsi que des bons orateurs et des honnêtes gens dénués de science, il ajoute que tout cela, en somme, reste une conclusion provisoire tant qu’on n’a pas défini la vertu en soi. Mais comment la définir ? Et pourquoi ne l’a-t-il pas fait dans la première partie du dialogue, où tant de définitions ont été proposées ? Il est difficile de ne pas voir dans cette conclusion une allusion volontairement obscure à la théorie purement platonicienne des Idées.

Une autre observation s’impose encore à propos de la signification générale du Ménon. Ce dialogue ne doit-il pas être considéré comme un complément naturel du Gorgias, où nous avons signalé l’absence totale de la théorie de l’opinion vraie, bien que cette théorie y semblât appelée nécessairement par le jugement porté sur les orateurs et les hommes d’État ? Logiquement, en effet, le Ménon complète le Gorgias ; mais il implique en même temps un changement dans la pensée de Platon. Car, dans le Gorgias, tous les plus grands hommes d’État athéniens sont condamnés en bloc, sauf Aristide, tandis que les mêmes hommes, dans le Ménon, sont nommés avec éloges.

III

LES DATES

La date fictive où est censé avoir lieu le dialogue ne sau-