Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 1 (éd. Robin).djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
91 b
58
PHÉDON

à méditer là-dessus (ce serait malheureux en effet !) ; encore un peu de temps et ce sera fini. Me voilà donc préparé, dit-il : c’est dans cet état d’esprit, Simmias et toi Cébès, que j’aborde la discussion. Quant à vous, faites à Socrate, si m’en croyez, c petite place en votre souci et bien plus grande à la Vérité ! Votre sentiment est-il que je suis dans le vrai ? alors, tombez-en d’accord avec moi ; n’en est-il pas ainsi ? tendez contre moi toutes vos raisons. Attention que mon zèle ne nous abuse tous ensemble, vous et moi, et que je ne m’en aille, telle l’abeille, laissant en vous l’aiguillon !


Retour aux théories de Simmias et de Cébès.

« Sur ce, dit-il, en avant ! Rappelez-moi d’abord ce que vous disiez, s’il vous arrive de voir que je ne m’en souviens pas. Pour Simmias ce qui en effet, sauf erreur de ma part, est l’objet de son doute et de ses craintes, c’est que l’âme, tout en étant quelque chose de plus divin et de plus beau que le d corps, ne soit détruite avant lui, parce qu’elle en est une espèce d’harmonie. Quant à Cébès, il m’a, selon moi, concédé ceci, que l’âme est en tout cas quelque chose de plus durable que le corps ; mais il ajoute que c’est une chose obscure pour tout le monde, de savoir si l’âme, après avoir nombre de fois usé nombre de corps, n’est pas, en abandonnant le dernier, détruite elle-même à ce moment, et si mourir n’est pas précisément cela, la destruction de l’âme, puisque le corps, lui, n’arrête absolument jamais de se détruire. N’est-ce pas cela même, sans plus, Simmias et toi, Cébès, que nous avons à examiner ? » Tous deux tombèrent d’accord que e c’était bien cela. « Est-ce par suite, dit Socrate, l’ensemble des arguments précédents que vous refusez d’admettre, ou bien les uns, mais non les autres ? — C’est, répondirent-ils en chœur, les uns, mais non les autres[1]. — Que dites-vous donc, reprit-il, de cet argument qui consistait à prétendre que s’instruire c’est se ressouvenir et que, s’il en est ainsi, c’est une nécessité pour notre âme d’exister quelque autre part, avant d’être 92 enchaînée dans le corps ? — Pour

    but étant la vérité, il peut être atteint dans le dialogue intérieur (Théét. 189 e) et par l’accord avec soi seul (ici 100 de ; cf. Charm. 166 c-e, Théét. 154 de, et aussi Lois X, 893 a). Voir Notice, p. xvi.

  1. C’est un principe fondamental de la méthode qu’avant d’exa-