Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 1 (éd. Robin).djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxxix
NOTICE

elle a beau être ce qu’il y a de plus divin ; c’est elle qui périra la première, en laissant les restes du corps subsister longtemps après qu’elle aura péri (85 e-86 d).

2o  Au lieu de discuter sur le champ l’objection et la théorie de Simmias, Platon a préféré donner la parole à Cébès (86 de). C’est que l’objection et la théorie de celui-ci sont beaucoup plus pénétrantes : par suite, à discuter conjointement l’une et l’autre, il devait trouver l’avantage d’établir une gradation dans la preuve.

Cébès souligne tout d’abord le piétinement de la recherche : sans doute, il l’a déjà dit (cf. 77 c), la préexistence de l’âme lui paraît avoir été suffisamment prouvée, mais non sa survivance. Ce n’est pas à dire qu’il accepte la théorie de Simmias : tout au contraire, il pense avec Socrate que l’âme a plus de force que le corps et plus de durée. Pourquoi donc rejette-t-il cependant la conception de celui-ci, puisqu’aussi bien, c’est un fait, la mort n’anéantit pas le corps, lequel par hypothèse a moins de résistance ? Figurons, dit Cébès, cette conception par un symbole : un vieux tisserand est mort ; ce qui prouve, dira-t-on, qu’il continue de subsister quelque part, c’est que le vêtement qu’il s’était lui-même tissé et qu’il portait n’a pas péri ; or un vêtement qu’on porte dure moins de temps qu’un homme ; si donc ce qui dure le moins subsiste, à plus forte raison est-ce le cas de l’homme lui-même (86 e-87 c).

Raisonnement d’une évidente absurdité ! Supposons en effet que meure notre tisserand après avoir usé plusieurs habits et s’en être tissé tout autant pour les remplacer : postérieure à toute la suite de ses habits passés, sa disparition n’en est pas moins antérieure à celle du dernier qu’il s’est fait. Telle est aussi la relation de l’âme au corps : la première est plus résistante et plus durable ; mais, s’il est vrai que la même âme, en une longue suite d’années, puisse user, puis reconstituer, un grand nombre de corps successifs (comme elle le fait au cours d’une seule vie en réparant l’usure de l’organisme), en revanche l’anéantissement de cette âme peut fort bien précéder celui du dernier de ses corps, tandis que celui-ci, l’âme une fois morte, révélera par sa propre corruption son intrinsèque faiblesse et son incapacité à se reconstituer de lui-même. Mais, s’il en est ainsi, quel motif aurait-on encore de se persuader que, lorsqu’on