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PHÉDON

sera mort, l’âme continuera de subsister quelque part ? On peut en effet, sans nul doute, accorder à la thèse de Socrate non pas seulement la préexistence, mais même une certaine survie de nos âmes, avec une suite de naissances et de morts, ces naissances renouvelées prouvant assez d’ailleurs quelle force de résistance possèdent ces âmes. Une telle concession n’obligerait pas pourtant à concéder en outre que l’âme ne doive pas se fatiguer dans ces renaissances successives et ainsi perdre peu à peu son énergie essentielle ; de sorte qu’en fin de compte une de ses morts signifierait pour elle la destruction radicale. Or cette mort-là, qui anéantit l’âme en même temps qu’elle dissout le corps, nul n’est capable de la reconnaître. Par conséquent aucun homme de sens n’a le droit de garder sa sérénité en face de la mort ni d’être sans crainte au sujet de son âme, avant du moins d’en avoir démontré l’immortalité et l’indestructibilité absolues (87 c-88 b).

II. Ainsi, une fois de plus (cf. 70 a), Cébès affirme que le problème reste entier. Les trois arguments de la deuxième partie n’ont donc pas, Socrate en convenait lui-même (cf. 84 c), totalement brisé les droits de l’incrédulité. L’insistance de Platon est significative[1] : on sent que la discussion est près d’accomplir une étape décisive ; les esprits sont troublés, les cœurs malades ; les doutes endormis se sont réveillés et la confiance en la possibilité d’une solution est ébranlée ; tout semble à reprendre du commencement, et ce sont des intelligences vaincues, en pleine déroute, qu’il faut ramener à l’examen de la question (88 b-89 a). Autrement dit, pour triompher de l’incrédulité ou de la croyance fausse, on ne doit compter que sur la démonstration. D’autres traits contribuent à poser dramatiquement la crise qui décidera du sort de la recherche. Elle est bien morte, la thèse sur laquelle reposait l’espérance de Socrate mourant : que, dès maintenant, en signe de deuil, Phédon sacrifie sa longue chevelure ! Ou, s’il est brave, qu’il engage contre les négateurs un combat herculéen, et qu’il jure de ne pas la laisser repousser avant d’avoir ramené au jour la thèse défunte ! (89 a-c). Bref tout concourt à montrer qu’un nouveau bond va porter l’entre-

  1. Il accentue par une intervention d’Échécrate (88 cd) ce qu’a dit Phédon du désarroi et de l’inquiétude des assistants.