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PHÉDON

chacun en soi et par soi[1]. C’est de là qu’il part pour découvrir la sorte de cause qui l’occupe, c’est-à-dire en chaque cas la causalité du bien. Si Cébès lui accorde ce principe, il espère découvrir et lui faire voir la cause qui, en ce sens, fait que notre âme est immortelle (100 bc). — Ainsi, ce qui semblait à Cébès ne pouvoir être démontré, parce que sa méthode était une méthode physique, recevra de la méthode logique une démonstration qui se déduira d’un principe accepté par Cébès lui-même. Le problème général (cf. 95 e 8) de la Physique se replie maintenant sur les doutes qui ont donné occasion de le poser. En même temps il est avec insistance relié une fois de plus au thème fondamental de l’existence des Idées.

De ce qu’à titre de principe on a posé l’existence de ces réalités absolues, que résulte-t-il ? C’est que, si par exemple il y a, en outre du Beau en soi et qui n’est que cela, quelque chose d’autre qui soit « beau », ce ne peut être qu’en vertu d’une participation à ce Beau, dont la chose belle porte alors la dénomination (cf. 78 e) ; il y est présent ; entre les deux il y a communion[2]. Tandis que les causes des savants, les lignes ou les couleurs d’une chose, par exemple, pour en expliquer la beauté, ne font qu’inquiéter et troubler l’esprit de Socrate, cette sorte de cause au contraire le satisfait pleinement. Peu importe de quel terme on en désignera l’opération[3] : c’est un point réservé ; du moins est-ce faire à la

  1. L’εἶδος, l’ἰδέα, c’est l’aspect caractéristique de la nature d’une chose, et par suite cette chose en elle-même. Cette signification primitive, où prédomine la considération des caractères sous lesquels se manifeste la chose, est assez bien rendue par forme. Mais, en conservant le décalque traditionnel idée, on marque mieux le sens logique que le terme a pris chez Platon : une idée n’est-elle pas d’ailleurs la représentation que l’intelligence se fait d’une chose en la réduisant à ses traits essentiels ? L’essence (οὐσία) d’une chose est contenue dans sa notion λόγος), qu’exprime son nom (Lois X, 895 d-896 a).
  2. La doctrine exposée ici est celle dont le Parménide place la critique dans la bouche du vieil Éléate, 130 a-135 c.
  3. Sans s’arrêter aux controverses auxquelles le texte a donné lieu, il faut noter (de nombreux exemples le prouvent) que la formule dont se sert Platon est une formule rituelle, qui écarte le danger de donner à un Dieu un nom qui ne lui convient pas. Ce n’est pas à cette incertitude du vocabulaire qu’Aristote fait allusion dans Metaph. Α 6, 977 b, 13 sq. (cf. Η 6, 1045 b, 7-9), mais à l’indécision où Pla-