Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 1 (éd. Robin).djvu/53

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NOTICE

b. Ce que les Physiciens qui ont ignoré la causalité véritable, ce qu’Anaxagore qui l’a entrevue, ce que Socrate lui-même en essayant de l’appliquer à la Physique, ont eu tous et toujours pour objet, c’est la réalité même des objets de l’expérience. Or, à la suite de ses tentatives antérieures, Socrate a fini par se demander si, en s’efforçant ainsi de la saisir directement par le moyen de la connaissance sensible, il ne risquait pas de rendre son âme définitivement aveugle (cf. 96 c, 97 b) ; exactement comme ceux qui ont l’imprudence de contempler directement une éclipse de soleil. Il conçoit donc la nécessité de chercher le salut dans les représentations intelligibles que la pensée se fait des choses (λόγοι), autrement dit dans leurs Idées, et d’envisager en elles la réalité. La comparaison, il est vrai, peut tromper. Elle semble dire en effet que ces expressions intelligibles de la réalité sont seulement des images, et non elles-mêmes des réalités en acte (ἐν ἔργοις), que l’on peut contempler en fait. Or c’est ce que Socrate se refuse à admettre[1]. Quoi qu’il en soit d’ailleurs, voici comment désormais il a procédé : dans chaque cas il a commencé par poser en principe la représentation logique qu’il a jugée la plus solide ; ce qui s’accorde avec elle est vrai ; ce qui ne s’accorde pas n’est pas vrai. Procédé valable pour la recherche de la cause comme pour tout autre problème, mais sur lequel il est nécessaire de s’expliquer plus nettement (99 d-100 a). — Socrate va donc définir cette méthode logique qui seule lui paraît capable de poser convenablement et, ensuite, de résoudre le problème devant lequel a échoué la méthode physique. La première se rattache, note-t-il tout d’abord, à l’existence d’une pluralité de formes essentielles, du Beau, du Bon, du Grand, etc.,

  1. Il faut rapprocher les dernières pages de Rep. VI et, au début de VII, le mythe de la caverne : on doit commencer par contempler l’éclat des réalités idéales dans ces images que sont les symboles mathématiques, comme on contemple l’éclat des astres dans les images qui le reflètent ; bien que les choses idéales, dont les ombres se projettent sur le fond de la caverne, soient elles-mêmes des fabrications et supposent un artifice dont l’opération nous reste cachée, elles n’en ont pas moins une réalité infiniment supérieure à celle des objets de l’expérience sensible. — L’expression ἐν ἔργοις, 100 a s. in., est remarquable ; elle fait penser à l’ἐνέργεια d’Aristote : acte qui est à la fois forme logique et réalité ; qui, à l’état pur, est Dieu même.