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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 2 (éd. Robin).djvu/138

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LE BANQUET

nir que c’est sans invitation d que je suis venu, mais bien sur ton invitation à toi ! — En allant à deux de compagnie, dit-il, l’un doublant l’autre[1], nous délibérerons sur ce qu’il y aura pour nous lieu de dire. Eh bien ! marchons donc !” »

Telle avait été en gros, contait Aristodème, leur conversation quand ils se mirent en marche : « Sur ces entrefaites Socrate, s’étant en quelque façon pris lui-même, chemin faisant, pour objet de ses méditations[2], était demeuré en arrière. Comme je l’attendais, il m’enjoignit de continuer à avancer. Quand je fus à la maison d’Agathon, j’en trouvai grande ouverte la porte, et j’eus là, disait-il, une plaisante aventure. Car, tout aussitôt, de l’intérieur vint à ma rencontre un domestique, qui me mena où étaient installés les convives, que je trouvai déjà sur le point de souper. Dès qu’Agathon me vit, il s’écria : “Aristodème, tu arrives au bon moment pour souper en notre compagnie ! Si tu as eu pour venir un autre motif, remets cela à plus tard. Aussi bien t’ai-je cherché dès hier pour t’inviter, mais il m’a été impossible de t’apercevoir… Eh bien mais ! et Socrate ? tu ne nous l’amènes pas ?” Alors je me retourne, et, me disait Aristodème, nulle part je ne vois Socrate à ma suite ! J’expliquai donc que justement c’était avec lui que, moi, j’étais venu, et invité par lui à souper céans. “C’est, parbleu ! fort bien de ta part, dit Agathon. Mais où diable est notre homme ? — Il s’avançait tout à l’heure derrière moi, 175 et moi aussi je me demande avec étonnement où il peut bien être !” Sur ce, poursuivait Aristodème, Agathon s’adresse à un serviteur : “Tout de suite tu vas te mettre en quête de Socrate et l’amener jusqu’ici ! Quant à toi, Aristodème, prends place sur ce lit[3], auprès d’Éryximaque.” » À ce moment, comme un domestique s’occupait de ses ablutions pour lui permettre de s’étendre, il en arriva,

    plaçant des gens de bien (en grec agathôn) par Agathon : plaisanterie intraduisible. Cf. Homère, Il. XVII 587.

  1. Il. X 224, vers qui semble être presque passé en proverbe.
  2. Première touche (cf. aussi 175 a, d) d’une peinture qui sera reprise avec plus d’insistance dans le discours d’Alcibiade (220 cd), celle des méditations extatiques de Socrate. Cf. Notice p. cvi et comparer Phédon, 84 bc.
  3. Les lits sur lesquels sont étendus les convives semblent être disposés en fer à cheval autour de la table du dîner ; il y a deux