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NOTICE

Phédon, 73 a, 115 c, s. fin. ; voir aussi p. lxxxiv sq.). — La première étape consiste en une sorte d’éducation esthétique. Dans le premier moment de cette éducation, on fera aimer à celui que l’on guide un exemplaire particulier de beauté physique ; ses impressions se traduiront en paroles enthousiastes. Mais, comme on lui aura sans doute expliqué pourquoi ce corps est beau, il saura ce qu’est un beau corps, c’est-à-dire qu’il se rendra compte de ce qu’il y a d’universel dans la notion de beauté physique. Le résultat de ce second moment de l’éducation esthétique est donc une sorte de désindividualisation de l’amour physique, à laquelle trouvera son bénéfice l’ascension vers la spiritualité. À la seconde étape, le guide enseigne à aimer la beauté de l’âme, même alors que la beauté physique ne l’accompagne pas[1] ; cette nouvelle impression est chez l’élève une nouvelle source d’éloquence, mais cette fois morale et moralisatrice : il s’applique en effet alors, sous l’inspiration vraisemblablement de l’éducateur qui le dirige, à déterminer ce qu’il y a de beau dans les maximes de conduite et dans les occupations. Par une telle méditation, il se dégagera de l’attrait de la beauté corporelle plus complètement encore qu’il n’avait pu le faire, dans la première étape, en concevant cette beauté dans son universalité : une fois aperçu en effet le lien qui unit la beauté de l’âme avec la beauté morale en général, il devient capable d’étendre plus loin son horizon. Cette spéculation morale ne constitue donc pas une troisième étape[2], mais, ainsi que dans la première, un second moment, que distingue une vision plus compréhensive de la route parcourue. En troisième lieu, c’est à la beauté des connaissances que le disciple est mené par son guide. Sur ce nouveau terrain, il semble qu’on doive distinguer encore un second moment analogue aux précédents : chacun de ceux-ci avait contribué à refouler le particularisme des émotions et leur attachement aux conditions de l’expérience ; la vision de la beauté s’élargit de plus en plus, maintenant qu’elle se fonde, non plus sur la préférence pour telle ou telle forme du savoir, mais sur l’amour du savoir en général. Or cette aspiration, une fois née, est de

  1. Remarquer la différence par rapport à 209 bc.
  2. Comme le disent tous les commentateurs et comme je l’ai écrit aussi, op. cit. p. 21, § 29. — Cf. 211 c.