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PHÈDRE

hors de cause (58 a-d). Bien plus, c’est de cette méthode même du Phèdre que les Lois (XII 966 a et cf. p. clvii) exigent une parfaite possession chez les magistrats du Conseil Nocturne. On aura dans la suite plusieurs occasions particulières de rapprocher Phèdre et Philèbe (p. 59, n. 1, p. 61, n. 2, p. 87, n. 1). De son côté le Politique éclairera, lui aussi, certains points obscurs (p. cxv) : tout ce qui y est dit des caractères de l’art (283 c-287 b) développe des indications, encore imprécises, du Phèdre sur le même sujet. Quant au Timée, il est difficile d’en exposer la doctrine sur l’âme sans se référer constamment au Phèdre, et la réciproque, on le verra, n’est pas moins vraie. Au surplus, quand le Phèdre affirme solennellement (269 e-270 c) qu’il n’y a pas de vraie rhétorique capable d’agir sur les âmes, non plus que de vraie médecine capable d’agir sur les corps, sans la connaissance de la relation qui unit au Tout l’âme aussi bien que le corps, n’y a-t-il pas là comme une annonce du Timée ? Le dialecticien philosophe qui à la rhétorique empirique veut en substituer une autre, telle qu’elle soit un art éducateur fondé sur la science, devra donc préalablement connaître la Nature ; or cette exigence est celle à laquelle répond le Timée. Enfin nous avons vu tout à l’heure comment le livre X des Lois ne retient qu’une seule preuve de l’immortalité, qui est justement celle du Phèdre. Tant de points de contact entre notre dialogue et ceux de la vieillesse conduisent donc à penser que, postérieur au Banquet et à la République, c’est de ceux-là d’autre part qu’il est le plus voisin[1].

Schleiermacher avait cru trouver dans le Phèdre le programme de toute la philosophie de Platon, programme tracé dans l’enthousiasme d’une jeunesse inspirée ; chaque dialogue venait à son tour développer un des points de ce programme. L’invraisemblance psychologique d’une telle conception suffirait à la condamner. Cependant il n’était pas faux de regarder le Phèdre comme un raccourci de l’ensemble : c’est qu’en effet le dialogue retient beaucoup du passé, notamment

  1. Je dois pourtant renoncer à la témérité de mon ancienne conjecture (op. cit., p. 114-118) : je n’oserais plus aujourd’hui considérer tout ce qui, dans le Phèdre, s’apparente à la doctrine des derniers dialogues ou, tout au moins, du Timée, comme un rappel sommaire de ce qui a été établi dans ceux-ci.