Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
vii
NOTICE

du Phédon, du Banquet et de la République, et qu’en même temps il présage et définit l’avenir. L’erreur de Schleiermacher a été de s’imaginer une telle anticipation figeant, pour cinquante ans au moins, la pensée de Platon dans un moule préfiguré. Or les développements méthodologiques ou doctrinaux que le Phèdre anticipe sont au contraire tout proches, et le programme ou le plan qu’il en trace est pour être réalisé dans la dizaine d’années qui suit. En plaçant ainsi le Phèdre après le Banquet et la République, je suis amené à le rapprocher du Théétète : ce sont des dialogues du même type et qui semblent devoir se situer à peu près de même, tant par rapport aux dialogues de la maturité qu’à ceux de la vieillesse.

Le Théétète est d’un charme exquis dans le mouvement du dialogue et dans la façon dont il s’engage ; s’il est, comme on le pense assez généralement, un peu postérieur à 369, il atteste chez un homme qui ainsi toucherait à la vieillesse une merveilleuse intensité de vie, un irrésistible entrain de la pensée ; à côté d’une polémique serrée, pressante non sans causticité, on y trouve une méditation, vibrante d’enthousiasme, sur ce modèle divin qu’il faut s’efforcer d’imiter, une imprécation vengeresse contre le modèle humain loin duquel on doit s’écarter. Du Phèdre ou du Théétète, lequel placera-t-on le premier ? En faveur de l’une ou l’autre solution on ne présumerait rien que de fragile. Ce qui importe surtout d’ailleurs, c’est de souligner la signification du rapprochement conjecturé. Dans le Théétète, Platon suppose la rencontre de Socrate jeune avec le vieux Parménide et avec Zénon (183 e) : fiction sur laquelle est construit le Parménide. Que celui-ci soit ou non antérieur au Théétète, à tout le moins y a-t-il dans ce dernier (180 d-181 b, 184 a) une intention déclarée de disjoindre l’Éléatisme de toutes les autres doctrines philosophiques pour en faire l’objet d’un examen spécial ; il y a même l’annonce d’un essai de synthèse, qui se fera autant aux dépens de l’Éléatisme que de ce qui s’y oppose. Or c’est ce qui sera réalisé par le Sophiste et, pour autant qu’il définit les rapports de l’Un et du Multiple, par le Philèbe. De plus, en distinguant comme il le fait sensation et science, le Théétète détermine, au moins négativement, à quelles conditions il peut exister un vrai savoir concernant les phénomènes de la nature, objets de la sensation ; ainsi il serait comme une préface épistémologique au Timée. Enfin, si les difficultés du problème