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PHÈDRE

et le mouvement de descente, s’il y était fait allusion, n’apparaissait que comme un complément de l’autre. Ici au contraire il devient, sous le nom de « division », le procédé essentiel de la dialectique, sans lequel celle-ci ne serait, comme dit le Parménide (130 ab), qu’un élan enthousiaste vers l’intelligibilité pure. Or ce n’est pas tout de s’envoler ainsi vers les hauteurs les plus sublimes ; il faut en outre être capable de redescendre ensuite jusqu’au point d’où l’on a pris son vol.

Deux procédés.

D’après le Phèdre (260 a-266 c, 273 e déb., 277 b), la dialectique comporte deux démarches, dont chacune a une fonction qu’il s’agit de déterminer techniquement, c’est-à-dire comme procédé d’une méthode. Le premier procédé consiste à rassembler (συναγωγή) ce qui est dispersé un peu partout, en l’embrassant d’un coup d’œil (cf. p. 72, n. 1), et à ramener ainsi cette multiplicité éparse à l’unité d’une forme ou, comme nous disons, d’une Idée qui soit précisément l’unité naturelle de cette multiplicité[1]. Le but de cette première démarche, que précédemment Platon a fondée sur la réminiscence (249 bc), est de définir en son essence l’objet que l’on considère : c’est ainsi que le premier soin de Socrate, en reprenant le thème de Lysias, a été de définir l’amour dans l’unité totale de son essence (263

  1. Platon dit tour à tour 265 d 3 μία ἰδέα, e 4 ἕν τι κοινῇ εἶδος, 266 a 3 ἕν… πεφυκός εἶδος, b 5 ἕν καὶ ἐπί πολλᾶ πεφυκὸς εἶδος. Le texte de cette dernière formule est, il est vrai, controversé (p. 73, n. 1). Si l’on adopte la leçon des mss., dont l’altération s’expliquerait d’ailleurs aisément, la formule apparaît du même type que la précédente, sauf que Platon cette fois insiste sur ce point que, dans sa nature, l’unité atteinte doit être précisément l’unité de la multiplicité considérée. C’est ainsi que paraît avoir compris Hermias (236, 6) : « …l’homme qui est capable de poser son regard sur la nature des choses ». Mais ce qui est à mon sens décisif, c’est la comparaison avec Philèbe 16 e sq. (cf. 15 e) : à cet endroit Platon raille « les doctes hommes de ce temps-ci, qui font un comme cela se trouve », car c’est un danger de s’élever à une généralité trop ample et qui ne serait pas de nature à recouvrir (πεφυκὸς ἐπὶ) la multiplicité que seule on envisage. Il est clair en effet que, si on a commis cette faute initiale contre la nature des choses, la division fera découvrir des espèces qui seront prises par erreur pour les espèces du genre, mais qui en réalité supposent une généralité beaucoup plus élevée et plus vaste. Cf. p. clvii sq.