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PHÈDRE

professeur et que Lysias l’ait été, lui aussi, avant son retour à Athènes, il est permis de croire qu’une fois revenu c’est sous cette forme qu’il commença d’exercer son activité.

Toutefois certaines autres données peuvent suggérer de la vie de Lysias une représentation différente. Il est remarquable tout d’abord que Cicéron, qui nous donnait à penser que Lysias avait commencé par s’illustrer comme rhéteur, ne connaît cependant en lui, comme nous-mêmes, que le causidicus, l’avocat (Orator 30). Il est donc possible que ce soit en appliquant à la composition de plaidoyers les connaissances techniques acquises en Italie, qu’il a fondé sa réputation. Un tel début expliquerait en outre ses ambitions ultérieures. Huit ans après son retour à Athènes, quand après la prise de la ville par Lysandre s’y fut établi le gouvernement des Trente Tyrans, Lysias se trouva dans une situation périlleuse. Sans doute sa qualité d’isotèle, c’est-à-dire de métèque privilégié, admis sans être citoyen au droit de posséder, était peu faite pour le rendre sympathique à une aristocratie en majorité nationaliste, prête d’ailleurs à toutes les rigueurs contre ses propres concitoyens du parti adverse. Mais peut-être des rancunes contre l’avocat intervenaient-elles aussi, plus vraisemblables qu’à l’égard d’un rhéteur. Toujours est-il que son frère Polémarque fut, sur l’ordre des Trente, arrêté par l’un d’eux, Ératosthène, pour être conduit à la prison où il devait bientôt périr. Il ne dut lui-même son salut qu’à une fuite précipitée. On sait comment les bannis et les fugitifs se groupèrent sous le commandement du démocrate Thrasybule. Mais ils manquaient d’armes, il leur fallait recruter des mercenaires : Lysias se fit leur bailleur de fonds. Enfin, une fois abattue la tyrannie des Trente, il se crut alors près de monter sur la scène politique pour laquelle, avocat rompu aux affaires, il devait se sentir mieux préparé que s’il n’avait été jusque-là que théoricien et professeur. Pour reconnaître en effet les services rendus, Thrasybule fit voter un décret qui, conférant le droit de cité à tous les non-Athéniens qui avaient soutenu l’armée des bannis, allait faire de lui un Athénien de premier plan. La mesure était d’ailleurs conforme à la politique traditionnelle des démocrates radicaux qui, ayant toujours eu l’appui des étrangers domiciliés en Attique, cherchaient à grossir leur majorité civique. Mais le parti démocratique comptait des