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NOTICE

277 abd). Il semble donc qu’on doive taxer Platon d’injustice notoire envers Lysias. Mais, son appréciation fût-elle même de tout point justifiée, il resterait encore à se demander pourquoi, entre tant de rhéteurs, il a spécialement choisi Lysias pour victime expiatoire de tous les péchés de la rhétorique.

Une première raison pourrait être que, au moment de la composition du Phèdre. Lysias devait déjà être mort[1] : autrement, on concevrait à peine que Platon eût pu ouvertement lancer contre un contemporain vivant une diatribe à ce point injurieuse ; un ouvrage littéraire, émanant du chef d’une grande école, n’excluait-il pas l’emploi de procédés que la comédie même avait cessé d’admettre ? Certes le fait de viser un disparu ne diminuerait pas l’injustice de l’attaque ; pour notre conscience elle en serait seulement plus déplacée. Quoi qu’il en soit, tous les autres motifs qui se présentent le plus spontanément à l’esprit pour expliquer une telle attitude de la part de Platon semblent ne pouvoir être, en l’espèce, d’aucun poids. Ce n’est pas en effet le métèque que Platon peut exécrer en Lysias : aurait-il, dans sa République, traité avec tant de faveur Céphale et Polémarque ? aurait-il, ici même (257 b), opposé ce dernier à Lysias en ceci seulement, qu’il s’est tourné vers la philosophie et que l’autre s’en tient à l’écart ? Pas davantage, le démocrate en tant que tel (cf. p. 2, n. 2), ni l’homme suspect au gouvernement des Trente et qu’on aurait voulu supprimer comme on le fit de Polémarque, ni celui qui a contribué à abattre la tyrannie : un des hommes les plus passionnément dévoués à Socrate, Chéréphon, n’était-il pas justement de ceux-là et fervent démocrate (Apologie 20 e sq.) ? Socrate lui-même n’avait-il pas été menacé par les Tyrans ? Il faut donc supposer une animosité personnelle et essayer d’en deviner les raisons cachées.

Un passage de la VIIe Lettre (325 bc) me paraît, dans une phrase il est vrai assez mystérieuse, propre à bien poser le

  1. Ce qui fournirait un terminus a quo, — d’ailleurs indépendamment du principe posé par L. Parmentier (cf. Banquet, Notice, p. xii, n. 2), puisqu’en l’espèce il ne s’agit pas d’un personnage du dialogue et que d’autre part Isocrate, alors incontestablement en vie, y est nommé et jugé.