Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxv
NOTICE

ments plutôt qu’il ne les dirige, mentor qui, devant le démenti des faits, ne sait que remplacer ses illusions passées par des illusions nouvelles. Quand il voit en effet grandir la puissance de Thèbes et que la destruction de Platées lui révèle la menace, contre Athènes, de l’unité béotienne en voie de se réaliser, alors il écrit son Discours plataïque : c’est maintenant contre Thèbes qu’il faut organiser le front commun. Et le voici qui cherche un homme dont l’autorité personnelle soit assez grande pour imposer l’union : c’est d’abord le fils de Conon, le stratège athénien Timothée qui avait été l’un de ses plus chers élèves (Antid. 101-139) ; ce sont ensuite des princes étrangers : Jason et Alexandre de Phères, Denys l’Ancien, le roi de Sparte Archidame, fils d’Agésilas, le roi de Chypre Nicoclès, fils d’Évagoras ; plus tard encore ce sera Philippe de Macédoine. À tous il écrit des lettres qui, encore et toujours, sont des morceaux d’éloquence épidictique. Il n’y a pas lieu de suivre cette évolution de la pensée politique d’Isocrate jusqu’à sa mort en 338, une dizaine d’années après celle de Platon : cela n’a rien à voir en effet avec le problème à propos duquel il figure dans le Phèdre, le problème de la rhétorique. Rien d’autre part ne prouve que, à l’époque où il écrivait le Phèdre et si tardive qu’on la suppose, Platon ait eu connaissance des lettres à Jason ou de la lettre à Denys, nécessairement antérieure à la mort de ce prince en 367 : la publication peut avoir suivi d’assez loin la composition.

On observera seulement, pour terminer, quelle différence il y a sous ce rapport même entre le point de vue d’Isocrate et celui de Platon. Tous deux, en vue de réaliser leurs plans, se sont tournés vers des tyrans, investis d’un pouvoir absolu. Mais le plan d’Isocrate vise uniquement le Panhellénisme ; celui de Platon, sans se désintéresser, loin de là, de cette question de politique extérieure, est surtout un plan de réforme sociale et de politique intérieure, applicable à tout État, présent ou futur, quel qu’il soit. Isocrate est toujours en quête d’accommodements, il accepte les variations, les renoncements même, s’ils doivent servir l’idée dont il est obsédé. Platon, lui, a la hantise du gouvernement par une science qui est une et immuable, qui n’admet point les coups de pouce ni les retouches ; il n’a jamais, à bien considérer les choses, varié dans sa conviction, mais seulement dans la possi-