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NOTICE

phes, divinités des bois et des fontaines, c’est le dieu fluvial, Achéloüs, leur père (cf. 263 d) ; il y a aussi les cigales chanteuses, servantes des Muses (230 c, 259 cd, 262 d) ; il y a ces Muses mêmes, à la voix claire, qu’il a invoquées en commençant son discours et dont l’inspiration n’est pas sans risques. Or, quand ils résultent de telles influences, l’enthousiasme et la possession, la présence intérieure de quelque divinité, ne sont pas les plus belles formes de ces délires dont il sera plus tard question. Sur cette pente, Socrate est donc en danger d’en venir aux égarements de la nympholepsie (238 d déb.)[1]. Et c’est autre chose encore que ce délire corybantique où Phèdre est jeté par l’éloquence, autre chose que cette bacchanale dans laquelle il a entraîné Socrate (228 bc, 234 d), au point que le véritable auteur du premier discours de celui-ci, c’est Phèdre lui-même (242 de, 244 a) ! Sans doute cela n’est-il pas, et Socrate en fait à Phèdre le reproche, sans avoir contribué à le mener où il en est ; ce n’est pourtant encore qu’une sorte de vertige, dont il est légitime de parler avec ironie. Mais voici que l’apparition inattendue, sur ses lèvres, d’un hexamètre (241 d déb.) révèle à Socrate que, tout en parlant, il s’est à son insu élevé du ton du dithyrambe à celui de l’épopée : à quel diapason va-t-il donc monter, s’il continue ? Aussi se gardera-t-il bien de donner à Phèdre ce qu’attendait celui-ci : après le réquisitoire contre l’homme passionné d’amour, l’éloge de celui qui n’aime pas. Déjà c’était à sa honte et contre son gré qu’il avait repris le thème de Lysias : plutôt que de trahir, plus honteusement encore, les nobles enseignements dont il avait eu le bonheur de se souvenir, il aime mieux tout de suite s’en aller !


La voix du Démon :
deuxième partie.

C’est alors que, au moment où dans cette intention il allait passer de l’autre côté de l’eau, il a entendu la voix de son démon, l’avertissant de n’en rien faire. Il avait eu auparavant, tandis qu’il parlait, la vague divination d’une faute personnelle, il s’était senti troublé et décontenancé, il

  1. Voir la note de Thompson ad loc. et, ici, p. 20 n. 2. — Peut-être rappellerait-on utilement à ce propos que l’épilepsie s’appelait chez les Grecs le mal sacré.