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NOTICE

pas ainsi de surexciter encore leur hostilité ? Un homme public redoute en effet d’être appelé « sophiste » : cela reviendrait à dire qu’il est en dehors de la vie publique, travaillant en effet dans la coulisse pour ceux qui y participent[1]. N’y a-t-il pas toutefois, observe Socrate, quelque chose de déconcertant dans ce grief comme dans cette crainte (cf. 258 c) ? Tout homme politique, qu’il soit comme Darius monarque absolu d’un grand royaume, ou bien comme Lycurgue et Solon orateur dans un État grec, n’est-il pas un logographe ? Ses lois sont des écrits et qui sont destinés à d’autres, principalement à la postérité sur laquelle régneront ces lois. L’illustration que se sont acquise de tels « écrivains » prouve donc qu’il n’y a pas de mal, en soi et absolument, à se faire écrivain, et aussi bien dans des productions qui ne concernent pas le public, en prose tout comme en vers. La question est autre : c’est de savoir par quels caractères un mauvais écrit se distingue d’un bon. A-t-on besoin d’examiner cette question de valeur relative ? N’en aurait-on pas besoin, ce ne serait pas une raison pour ne pas goûter un vif plaisir à faire un tel examen[2]. En tout cas, que ce soit ou non un besoin, que ce doive être un plaisir ou non, ce n’est pas le loisir qui manque à Socrate et à Phèdre.

  1. La question d’émoluments est ici secondaire. Ce qui importe surtout, c’est qu’un sophiste, un logographe, un maître de rhétorique ont un faux talent, puisque ce sont des orateurs qui ne parlent pas, des plaideurs qui ne sont pas partie au procès qu’ils plaident, des politiques qui ne prennent pas part à la vie publique ; ils sont comme des flûtistes qui ne joueraient pas de la flûte, mais se borneraient à en fabriquer à l’usage de ceux qui en jouent (cf. Euthydème 288 d-290 a). Il est possible que le passage 257 cd soit une allusion aux déceptions politiques de Lysias (cf. Notice, p. xvi sq.). Mais il pourrait s’appliquer, presque aussi bien, à Isocrate (cf. p. xxiv sq.).
  2. 258 de et la n. 1 de la p. 59. Quand Platon fait dire à Phèdre que l’épithète de serviles est donnée, ou a été donnée, aux plaisirs qui sont dans la dépendance d’un besoin, fait-il allusion à l’emploi de cette formule par quelque autre, ou par lui-même ? Du moins n’est-ce pas, comme on le dit parfois, un renvoi au Phédon 69 b (car ce qui a cet endroit est dit servile, ce n’est pas le plaisir, c’est une certaine espèce de vertu [de même République IV 430 b, pour une certaine espèce de courage]), mais peut-être à 66 cd.