Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxxviii
PHÈDRE

expérimentant sur des exemples, on cherche dans quel cas l’usage ne satisfait pas du tout à ces conditions générales, ou bien y satisfait d’une façon incomplète, ou enfin totalement. Une seconde section envisage l’enseignement de la rhétorique, et dans ce qu’il comporte, et par rapport à la contribution historique des Maîtres à la constitution de l’art enseigné sous ce nom. Enfin, dans la dernière section, à cette rhétorique de fait Platon oppose ce qu’on pourrait appeler une rhétorique de droit, rhétorique philosophique qui n’est autre chose qu’une mise en œuvre pratique de sa dialectique[1].


Quels sont les droits de la rhétorique à se dire un art ?

I — A. La question à examiner en premier lieu (259 e sqq.) est celle qui a été posée tout à l’heure (258 d) : comment et pourquoi parler et écrire, actes qui en eux-mêmes n’ont rien de repréhensible, ni, ajouterions-nous, de spécifiquement méritoire, peuvent-ils être tantôt quelque chose de mauvais et tantôt quelque chose de bon ? Ce dernier résultat, Socrate en a la certitude, ne sera obtenu qu’à une condition : connaître ce qui est la vérité sur le sujet dont on traite. Ce n’est pas là pourtant ce que Phèdre a appris à l’école de la rhétorique : si le but à atteindre est de persuader des auditeurs (ou des lecteurs), ce n’est pas le vrai qu’il importe de savoir, sur la justice par exemple, mais uniquement, puisque ce sont eux qui doivent juger et décider, quelle est là-dessus leur opinion, de façon à utiliser cette opinion pour produire en eux telle conviction qu’on veut obtenir. Soit ! réplique Socrate, appliquons donc ceci à un exemple : je ne sais pas ce qu’est un cheval ; je sais uniquement que, dans l’opinion de Phèdre, c’est entre les animaux domestiques celui dont les oreilles sont les plus longues ; la rhétorique m’autorisera-t-elle à lui persuader, en conformité avec cette opinion, qu’il fera bien, ayant

  1. La prédilection de Platon pour les divisions ternaires se manifestait dans le Phédon et dans le Banquet. De fait, ici, cette troisième partie est à la première, j’ai tenté de le montrer, dans un rapport dont la seconde est justement la clef. Est-ce à dire pourtant qu’elle doive comprendre tout le reste du dialogue ? Je ne le pense pas : dans ce reste, en effet, il y a une coupe si nettement marquée à 274 b, qu’il me semble impossible de ne pas considérer comme une partie distincte tout ce qui concerne la valeur propre de l’écrit.