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PHÈDRE

à l’ensemble est évidente, et en même temps on voit en quoi ce discours sur l’Amour est un exemple de ce qu’est une rhétorique fructueuse et qui tend à la vérité.

B. Voilà donc la vraie façon, qui n’est pas celle dont parlent en fait les Maîtres, de bien parler et de bien écrire. Mais Phèdre, cette fois encore, n’a pas compris : il ne voit pas que la méthode de la rhétorique est impliquée par les conditions de ce qu’elle doit être et il demande quelle peut bien être cette façon de s’y prendre. Ainsi Socrate se trouve amené, en reprenant ce qu’il a déjà dit, à déterminer avec une précision accrue la méthode propre de la vraie rhétorique (271 c[1]). Ici, il insiste davantage sur la classification des genres de l’éloquence, tantôt brève, tantôt émouvante, tantôt indignée, faisant siennes, au moins provisoirement, les distinctions des rhéteurs. Mais le plus important de cette théorie, c’est que la seule rhétorique constituant un enseignement positif est celle qui ne se fonde pas seulement sur une classification parallèle des âmes et des discours, mais qui en outre envisage spécialement leur interaction. Au lieu en effet de laisser à l’élève le soin de se tirer tout seul d’affaire en face des cas concrets (cf. 269 c, 277 c s. in.), elle l’aura instruit de la même manière que, par la clinique, un médecin apprend à ses élèves à approprier la médication au tempérament du malade et aux circonstances de la maladie (cf. 268 b, 270 b). Instruit par une telle rhétorique, dont la culture dialectique est la base (cf. 266 b, 269 b, 273 de), un élève saura, le moment venu, quel langage il doit tenir à

  1. Cf. p. 82, n. 2 : je ne crois pas que αὐτὰ μὲν τὰ ῥήματα εἰπεῖν 271 c 6 puisse signifier : dire la chose en termes propres. Toute la suite ne consiste-t-elle pas en effet à dire en termes propres la « façon de s’y prendre » (cf. b 7 οὔτοι ἄλλως, c 3 τὸν τρόπον τοῦτον, c 5 τίνα τοῦτον ⟨τὸν τρόπον⟩ ? D’un autre côté, l’opposition (marquée par μέν… δέ) ne se comprend plus entre ce qui présente de la difficulté et ce qu’au contraire Socrate se dit prêt à montrer et qui concerne précisément la façon dont on doit s’y prendre pour faire œuvre d’art en parlant ou en écrivant (ὡς δὲ δεῖ γράφειν, εἰ μέλλει…). En d’autres termes, tandis que Phèdre, ainsi que l’y ont habitué ses maîtres, attend un modèle ou un corrigé qui lui donne « les phrases elles-mêmes », un « dites ceci, dites cela », où sera mise en action la méthode de l’Art, c’est seulement une théorie de cette méthode que Socrate est prêt à lui offrir.