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NOTICE

l’Académie, un tel naturel sera conservé ; elle suppose enfin des exercices appropriés d’entraînement (VII 521 c sqq., 535 a sqq.). Le caractère fondamental du savoir ainsi acquis, c’est, nous le voyons ici, qu’il soit désintéressé et général : désintéressé (269 d, 270 a), ce qui le fait prendre par les sots pour un vain bavardage et une rêverie « dans la lune », et, pour le caractériser, le Phèdre use des mêmes termes que la République (VI 488 c sq.[1]) ; général (270 bc), parce que chaque chose est solidaire du tout, et c’est la République encore qui insiste (VII 537 c) sur l’aptitude caractéristique du dialecticien philosophe à voir les choses dans leur ensemble, à être un esprit synoptique. Là-dessus Platon indique à quelles conditions générales la recherche doit satisfaire pour n’être pas un tâtonnement d’aveugle[2], à quelles conditions d’autre part devrait avoir satisfait la rhétorique avant de prétendre se constituer en discipline autonome (270 e sqq.). Ce n’est pas encore la détermination de sa méthode propre, mais c’est ce qui y achemine. L’exemple de la médecine lui sert à expliquer sa pensée. On ne peut en effet soigner le corps sans savoir de quel ensemble naturel il fait partie, sans savoir quelle en est la nature et si elle est simple ou composée, sans connaître, dans ce dernier cas, le nombre des parties composantes et la fonction de chacune d’elles, sans avoir déterminé dans ce domaine toutes les actions et les effets qu’il est utile de connaître. Si donc la rhétorique est une psychagogie et si, par conséquent, son objet est l’âme pour y produire la persuasion, c’est ainsi qu’elle devrait procéder, considérant d’une part les espèces d’âmes et, de l’autre, les espèces de discours, déterminant sur quelles âmes agiront tels discours (cf. cxlvii sqq.). Mais comment cela se comprendrait-il si le second discours de Socrate sur l’amour ne nous avait en effet pourvus d’une théorie de la composition de l’âme ? Une classification des genres d’âmes ne s’explique que par la prépondérance de tel ou tel des éléments opposés entre lesquels normalement il doit y avoir harmonie : n’est-ce pas ainsi que s’explique la diversité des tempéraments physiques et la possibilité de les classer ? Ainsi, une fois de plus, la relation du second discours

  1. Cf. p. 79 n. 2. Voir en outre Parménide 135 d.
  2. On pourrait utilement comparer le passage de 270 de avec le début de la IVe des Regulae de Descartes.