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rhapsode si l’on ne comprenait ce que dit le poète. Le rhapsode, en effet, doit être l’interprète de la pensée du poète auprès des auditeurs. Or, s’en acquitter comme il faut est impossible, si l’on ne sait ce que veut dire le poète. Tout cela est bien digne d’envie.


Ion commentateur d’Homère.

Ion. — Tu as raison, Socrate. En ce qui me concerne, c’est la partie de mon art qui m’a donné le plus de peine, et je crois être de tous les hommes celui qui dit les plus belles choses sur Homère. Ni Métrodore de Lampsaque, ni d Stésimbrote de Thasos, ni Glaucon[1], ni aucun de ceux qui ont jamais existé n’a su exprimer sur Homère autant de belles pensées que moi.

Socrate. — À la bonne heure, Ion ! Évidemment tu ne refuseras pas de me montrer ton talent.

Ion. — Ma foi ! Socrate, il vaut la peine d’entendre comme j’ai su parer Homère avec art. Je crois mériter des Homérides[2] une couronne d’or.


Pourquoi le talent d’Ion ne s’applique-t-il qu’à Homère ?

Socrate. — Eh bien, je prendrai le temps de t’écouter une autre fois. 531 Aujourd’hui je ne te demande qu’une réponse : est-ce sur Homère seulement que tu es habile ? Ou l’es-tu aussi sur Hésiode et Archiloque ?

Ion. — Point du tout ; sur Homère seulement. Cela me paraît suffisant.

Socrate. — Y a-t-il des sujets sur lesquels Homère et Hésiode disent tous deux les mêmes choses ?

Ion. — C’est mon avis, et même il y en a beaucoup.

Socrate. — Sur ces sujets-là, saurais-tu mieux expliquer ce que dit Homère que ce que dit Hésiode ?

Ion. — Aussi bien l’un que l’autre, Socrate, du moins sur les sujets où ils disent les mêmes choses.

Socrate. — Et ceux b où ils ne disent pas les mêmes choses ? Voilà, par exemple, l’art divinatoire : il en est question à la fois chez Homère et chez Hésiode.

  1. Sur Métrodore, Stésimbrote et Glaucon, voir la Notice, p. 10.
  2. Famille de Chios (cf. p. 7, note 3) dont les membres prétendaient descendre d’Homère (Strabon, XIV, 645). Pindare, Ném. II,