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CRATYLE

Socrate. — Eh bien, pour la prévenir, interroge-moi sur Arès.

Hermogène. — Je t’interroge.

Socrate. — Si tu veux, c’est à d sa nature mâle (arrhén) et virile qu’Arès devra son nom ; ou, si tu préfères, à son caractère dur et inflexible — ce qui se dit arrhatos (infrangible) — ; en ce sens, le nom d’Arès conviendrait de toute façon au dieu de la guerre.

Hermogène. — Parfaitement.

Socrate. — Laissons donc là les dieux, par les dieux ! Car je crains, pour ma part, de discourir sur eux[1]. Mais propose-moi d’autres problèmes à ta convenance, et « tu verras ce que valent les chevaux » d’Euthyphron[2].

Hermogène. — Je n’y manquerai pas. Mais encore une question sur e Hermès, puisqu’aussi bien Cratyle nie que je sois Hermogène[3]. Essayons d’examiner ce que signifie le nom d’Hermès, pour savoir si cet homme a raison.

Socrate. — Eh bien, mais il paraît se rapporter au discours, ce nom d’Hermès ; les caractères d’interprète (hermêneus), de messager, d’adroit voleur, de trompeur 408 en paroles et d’habile marchand, c’est au pouvoir du discours que se rattache toute cette activité. Comme nous le disions plus haut[4], parler (éïréïn), c’est faire usage du discours, et le mot qu’Homère emploie en maint endroit — mêsato (il imagina), dit-il — ce mot équivaut à machiner. C’est d’après ces deux éléments que celui qui imagina le langage et le discours — [or, légéïn, c’est éïréïn] —, ce dieu dont nous parlons, le législateur nous prescrit pour ainsi dire de l’appeler : « Ô hommes, nous dit-il, celui b qui imagina la parole (to éïréïn émêsato), c’est à bon droit que vous l’appelleriez Eirémês. » Mais nous autres, nous croyons enjoliver son nom en l’appelant Hermès. [Et Iris, elle aussi, c’est de

  1. On a vu plus haut (400 d sq.) que Socrate n’a entrepris cette enquête sur les noms des dieux qu’avec les plus expresses réserves.
  2. Parodie des v. 221-2 du chant V de l’Iliade. Énée dit à Pandaros : « Allons, monte sur mon char, si tu veux voir ce que valent les chevaux troyens (οἷοι Τρωικοὶ ἵπποι), habiles à bondir çà et là dans la plaine pour la poursuite comme pour la fuite ».
  3. Cf. 383 b.
  4. Cf. 398 b.