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CRATYLE

là pour composer le reste, par imitation, avec ces mêmes éléments. Voilà, Hermogène, en quoi me paraît d consister la justesse des noms, à moins que Cratyle ici présent ne soit d’un autre avis.

Hermogène. — Ma foi, Socrate, Cratyle me met souvent dans un bien grand embarras, comme je le disais au début[1]. Il affirme qu’il existe une justesse des noms, mais en quoi consiste-t-elle ? il ne le dit pas clairement, de sorte que je ne puis savoir si c’est exprès ou sans le vouloir qu’il en parle chaque fois avec cette obscurité. Eh bien, maintenant, Cratyle, dis-moi en présence de Socrate : approuves-tu les vues de Socrate e au sujet des noms, ou as-tu quelque chose de mieux à dire ? En ce cas parle, soit pour t’instruire auprès de Socrate, soit pour nous instruire l’un et l’autre.


Entretien de Cratyle et de Socrate. Préambule.

Cratyle. — Hé quoi, Hermogène ? Crois-tu facile de recevoir et de donner si vite un enseignement quelconque, à plus forte raison sur un sujet qui paraît être des plus importants ?

Hermogène. — Non, 428 par Zeus ! moi je ne le crois pas. Mais le mot d’Hésiode me semble juste : « amasser, fût-ce petit à petit, est profitable »[2]. Si donc tu es capable de réaliser un gain, si petit soit-il, ne te rebute pas : rends service à Socrate que voici, et comme tu le dois, à moi-même[3].

Socrate. — À la vérité, je suis le premier à dire, Cratyle, que je ne puis rien garantir des propos que j’ai tenus ; j’ai examiné la question de mon point de vue avec Hermogène. En conséquence, parle hardiment, si tu as b un avis meilleur, en te disant que je l’accueillerai. Que tu aies de plus belles choses à nous dire, je n’en serais pas surpris. Tu me parais avoir étudié personnellement ce genre de problèmes et t’en être instruit chez d’autres. Si donc tu as un avis meilleur, moi

  1. Voir 383 b sq.
  2. Hésiode, Travaux, 361-2 : « Si tu amasses peu sur peu et fais cela souvent, ce peu-là pourra devenir beaucoup » (trad. Paul Mazon).
  3. Hermogène s’est clairement expliqué au début du dialogue sur la thèse qui était la sienne (la justesse des noms est affaire de convention). Cratyle a le devoir d’y répondre par une explication aussi nette de sa propre thèse, d’autant plus qu’il a prétendu refuser à son interlocuteur le nom d’Hermogène, sans consentir à en donner les raisons.