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NOTICE

κομψευόμενον λέγειν. Il ne cache pas d’ailleurs que cette seconde étymologie lui paraît risible (400 b, γελοῖον). C’est bien de bel esprit qu’il s’agit encore dans celle de Téthys (402 d, κομψόν). Hermogène lui-même juge « étrange » (ἄτοπον, 405 a) la quadruple explication donnée par Socrate du nom d’Apollon. La fantastique étymologie de σελήνη), ou plutôt σελαναία, tirée de σέλας-ἕνον-νέον-ἀεί (σελαενονεοάεια) le frappe par son allure « dithyrambique » (409 c). Et il ne peut s’empêcher de trouver « bien laborieuse » (μάλα, γλίσχρως, 414 c) celle de τέχνη, qui équivaut à ἓξις νοῦ, pour peu qu’on retire le τ et qu’on ajoute deux ο. Quand il entend Socrate expliquer βλαβερόν par βουλαπτεροῦν (βουλόμενον ἅπτειν ῥοῦν, 417 e), il s’écrie que les noms sortis de ses mains sont singulièrement compliqués (ποικίλα) : Socrate lui fait en ce moment l’effet de « jouer sur la flûte le prélude de l’air d’Athéna ».

On arrive aux mêmes conclusions si l’on examine les procédés mis en œuvre dans ces explications étymologiques. Socrate pose les trois principes suivants : 1o la forme primitive des noms a été profondément altérée par le temps et par le désir qu’avaient les hommes de les enjoliver en leur donnant une allure pompeuse (414 c ὑπὸ τῶν βουλομένων τραγῳδεῖν αὐτά,… εὐστομίας ἕνεκα, καὶ ὑπὸ καλλωπισμοῦ καὶ ὑπὸ χρόνου) ; 2o quand on est embarrassé sur l’étymologie d’un nom, on peut supposer qu’il est d’origine barbare (409 d) ; 3o toutes les difficultés disparaîtront (πολλὴ εὐπορία ἔσται), et n’importe quel nom pourra s’ajuster à n’importe quel objet, si l’on peut y ajouter et en ôter ce qu’on veut (414 d[1]). Ici, le persiflage saute aux yeux. Aussi bien Socrate ne cache-t-il pas que le recours à l’origine barbare n’est qu’un expédient (μηχανή, 409 d, 416 a). Il est clair qu’avec ces « facilités » l’étymologiste peut toujours se tirer d’affaire et ne jamais rester court. Mais quelle garantie offriront les résultats ? Le seul fait qu’en un très grand nombre de cas deux ou trois, parfois quatre étymologies sont proposées pour un même nom semble prouver qu’aux yeux de Platon cet exercice n’est qu’un jeu, où la recherche de la vérité n’a rien à voir.

  1. Socrate, il est vrai, fait une réserve : il faut veiller « à la mesure et à la vraisemblance ». Mais aussitôt après il invite Hermogène à ne pas se montrer trop « pointilleux ».