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LA RÉPUBLIQUE

Hérodicos[1] était maître de gymnase ; devenu valétudinaire, il fit un mélange de la gymnastique et de la médecine qui servit à tourmenter d’abord bet surtout son inventeur, puis beaucoup d’autres après lui.

Comment ? demanda-t-il.

En se ménageant une mort lente, répondis-je ; car, comme sa maladie était mortelle, il eut beau la suivre pas à pas, il ne put, je crois, se guérir, et renonçant à toute occupation pour se soigner, il fut toute sa vie dévoré d’inquiétude pour peu qu’il s’écartât de son régime, et, si à force de science il atteignit la vieillesse, ce fut en traînant une vie mourante.

Son art lui rendit là un beau service ! s’écria-t-il.

cLe service qu’il méritait, repris-je, pour n’avoir pas vu que, si Asclépios ne montra pas à ses descendants cette manière de traiter les maladies, ce ne fut pas par ignorance ou faute d’expérience, mais parce qu’il savait qu’en un État bien gouverné chacun a sa tâche prescrite, qu’il est obligé de remplir, et que personne n’a le loisir de passer sa vie à être malade et à se faire soigner. Il est plaisant que nous nous en apercevions, quand il s’agit des artisans, et que nous ne nous en apercevions pas, quand il s’agit des riches et des prétendus heureux.

Que veux-tu dire ?


dXV  Quand un charpentier est malade, repris-je, ce qu’il demande au médecin, c’est une potion qui lui fasse vomir ou évacuer par le bas son mal, ou bien une cautérisation ou une incision qui l’en débarrasse ; mais si on lui prescrit un long régime, qu’on lui emmaillotte la tête de bonnets de laine, et tout ce qui s’ensuit, il a vite fait de dire qu’il n’a pas le temps d'être malade et qu’il ne voit aucun avantage à vivre pour ne s’occuper que de sa maladie et négliger le travail qu’il a devant les mains ; et là-dessus il enverra promener ce médecin, et, reprenant son régime habituel, eil recouvrera la

    On pourrait conclure de cette divergence que Platon a eu en main un autre texte que le nôtre, si lui-même n’avait pas correctement rapporté (Ion 538 B) la première anecdote, celle où Hécamède offre du vin de Pramnos à Machaon. Sa mémoire l’a trompé ici, et il a confondu les deux récits.

  1. Hérodicos de Sélymbria était né à Mégare ; mais il était devenu