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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/404

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LA RÉPUBLIQUE

santé et vivra en faisant son métier, ou bien, si sa constitution n’est pas assez forte pour résister, la mort le tirera d’embarras.

Voilà bien, dit-il, la médecine qui paraît convenir à un homme de cette classe.

Et pourquoi ? repris-je ; n’est-ce pas parce qu’il a un métier qu’il doit exercer, 407s’il veut vivre ?

C’est évident, dit-il.

Pour le riche, au contraire, nous pouvons dire qu’il n’a devant lui aucun travail, tel que, s’il était forcé d’y renoncer, il lui serait impossible de vivre.

On peut le dire assurément.

N’as-tu pas entendu dire ce mot de Phocylide, repris-je :

« il faut, quand on a de quoi vivre, pratiquer la vertu[1] » ?

M’est avis qu’il le faut même avant, dit-il.

N’allons point, dis-je, contester à cet égard avec Phocylide ; mais demandons-nous à nous-mêmes si le riche doit pratiquer la vertu et s’il lui est impossible de vivre sans elle, ou si la manie bde nourrir les maladies qui empêche le charpentier et tout autre artisan de s’appliquer à son métier, n’empêche pas le riche de suivre le précepte de Phocylide.

Si, par Zeus, dit-il et j’ose dire que rien ne l’empêche davantage que ce soin excessif du corps qui va au delà des règles de la gymnastique ; car il est gênant dans l’administration d’une maison, dans les expéditions militaires et dans les emplois sédentaires.

Mais son inconvénient le plus fâcheux, c’est qu’il fait obstacle à toute étude, réflexion, méditation intérieure ; car on a toujours peur cdes maux de tête et des vertiges et on accuse la philosophie d’en être la cause. Aussi partout où il se rencontre, il fait un obstacle insurmontable à la pratique et à la manifestation de la vertu ; car il fait qu’on croit toujours être malade et qu’on ne cesse de se plaindre de sa santé.

    citoyen de Sélymbria. Platon le mentionne encore Prot. 316 E et Phèdre 227 D. Il fit de la gymnastique une branche de la médecine. Cf. Eustathe Il., XI, p. 839-40 : « On dit que les anciens n’ont inventé que l’art chirurgical et l’art pharmaceutique, mais que la diététique fut inaugurée par Hippocrate et perfectionnée par Hérodicos, Praxagoras et Chrysippe. »

  1. Phoc. Fr. 10 (Bergk).