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INTRODUCTION

librées : de la timocratie à la démocratie (545 c-562 a), la tyrannie (562 a-576 b), bonheur comparé du philosophe et du tyran (576 c-592 b).

1. — De la timocratie à la démocratie.


La timocratie.

Nous avons parlé d’une logique interne de corruption et de déchéance : comment supposer pareille chose dans la constitution idéale ? Cependant, sitôt réalisée, elle appartient au monde du devenir, et par là même, est corruptible. Ne savons-nous pas que, pour Platon, tout composé, si beau qu’il soit et si proche par là de l’indissolubilité absolue, n’en est pas moins, par nature, sujet à se dissoudre ? L’âme, dans la troisième preuve du Phédon, n’est encore immortelle, à ce point de vue, qu’autant qu’elle aide et achève, par ses propres efforts, sa parenté avec les réalités intelligibles (80 c-82 a) ; elle ne le sera de même, dans notre Livre X, qu’autant qu’elle se dégage des impuretés de la vie corporelle (611 c-612 a) et les dieux du Timée n’auront, comme garantie suprême de leur éternité, que la volontaire complaisance du Démiurge souverain pour l’harmonieuse composition de leur nature (41 a/b). Platon ne sort donc pas de la logique propre de sa pensée quand il entrevoit, pour sa cité parfaite elle-même, l’heure fatale où elle se dissoudra. Comme tout gouvernement humain, elle se corrompra par la tête, et la désunion entre ses gouvernants sera le début de sa ruine. Pour proclamer cette loi et nous faire entrevoir comme déjà réalisée en quelque passé lointain cette déchéance, Platon fait naturellement appel à l’histoire mythique, aux Muses d’Homère et d’Hésiode, et, pour déterminer l’heure fatale tout en lui laissant son mystère, l’enveloppe dans l’énigme solennelle d’un calcul aux apparences abstruses[1]. Il y a, pour les générations humaines

  1. J’ai plaisir à me rencontrer ici, sans l’avoir su, avec P. Frutiger, Les Mythes de Platon, p. 41/9 : chacune des définitions des gouvernements défectueux est manifestement dialectique, « car le philosophe détermine avec la même sûreté les concepts des États imparfaits et des caractères injustes que ceux de la cité idéale et de la justice aux Livres II, III et IV », mais « la manière dont ces définitions sont reliées les unes aux autres est mythique », etc. Sur