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LA RÉPUBLIQUE IX

foule de craintes et de désirs de toute sorte qui obsèdent son âme. Il a beau avoir l’esprit curieux : seul de tous les citoyens il ne peut ni voyager nulle part, ni aller voir toutes les curiosités qui attirent les autres hommes libres. Il passe la plus grande partie de sa vie enfermé dans sa maison comme une femme, cet il envie les autres citoyens qui vont voyager au dehors et voir quelque objet intéressant[1].

C’est bien cela, dit-il.


Le tyran est le plus
malheureux
des hommes,
l’homme
aristocratique
le plus heureux.

VI  Tel est le surcroît de maux que l’homme récolte qui gouverne mal son âme, l’homme que tu as jugé tout à l’heure le plus malheureux des hommes, l’homme tyrannique, lorsque, au lieu de passer sa vie dans une condition privée, il est contraint par un coup du sort à devenir tyran, et que, tout impuissant qu’il est à se maîtriser lui-même, il entreprend de gouverner les autres, semblable à un malade impotent qui, au lieu de garder la maison, serait forcé de passer sa vie à lutter ddans les concours d’athlètes.

Ta comparaison, Socrate, dit-il, est d’une vérité frappante.

Dès lors, mon cher Glaucon, repris-je, son malheur est complet, et, une fois devenu tyran, il mène une vie encore plus misérable que celui que tu regardais comme le plus malheureux des hommes, n’est-il pas vrai ?

Tout à fait vrai, dit-il.

Ainsi, en réalité, et quoi qu’en pensent certaines gens, le véritable tyran est un véritable esclave, d’une bassesse et d’une servilité extrêmes, eréduit qu’il est à flatter les hommes les plus méchants ; impuissant à satisfaire tant soit peu ses désirs, mais visiblement dénué d’une foule de choses et véritablement pauvre aux yeux de quiconque sait considérer son âme entière, il passe sa vie dans une frayeur continuelle, en proie à des douleurs convulsives, s’il est vrai que son état ressemble à celui de la cité qu’il commande ; or il y ressemble, n’est-ce pas ?

  1. Cf. Xénophon, Hiéron I, 11 : « Chaque pays a ses raretés qui méritent d’être vues. Pour les voir, les particuliers se rendent dans telles villes qu’ils veulent et dans les fêtes publiques où ils croient