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LETTRE II

et tu te familiariseras avec elles comme avec nous. Comment cela se réalisera-t-il ainsi que tout ce que nous venons de dire ? Tu as bien fait de m’envoyer Archédèmos, et dans la suite, quand il sera rentré et t’aura rapporté ma réponse, de nouveaux doutes surgiront peut-être en toi. Tu me renverras cet Archédèmos, si tu es homme de bonne décision, et il te reviendra avec sa marchandise. Fais cela deux ou trois fois, ediscute avec soin ce que je te communique, je serais étonné que tes doutes présents n’aient bien changé. Courage donc et agissez ainsi. Tu ne saurais certes promouvoir, toi, et Archédèmos ne pourrait entreprendre un plus beau commerce ni plus agréable aux dieux. Veille 314toutefois à ce que cela n’arrive pas à la connaissance des profanes, car il n’y a peut-être pas de doctrines plus ridicules que celles-ci pour le vulgaire, mais il n’y en a pas non plus, pour les esprits richement doués de plus admirables et de plus inspirées. Il faut bien des redites, des leçons continues, de longues années, et c’est à peine si, avec de grands efforts, on arrive à les purifier comme on purifie l’or. Mais voici qui est merveilleux en cette matière, écoute : il y a des hommes qui ont entendu ces enseignements, et un grand nombre ; ils ont bde la facilité pour apprendre, pour retenir, pour juger et critiquer à fond ; ils sont déjà vieux et voilà pas moins de trente ans qu’ils les ont reçus. Eh bien ! aujourd’hui, ils déclarent que ce qui leur paraissait alors tout à fait incroyable, ils le regardent à présent comme très digne de foi et absolument évident, et c’est maintenant le contraire pour ce qui leur semblait jadis mériter toute créance. Réfléchis donc à cela et prends garde d’avoir à te repentir un jour de ce que tu laisserais aujourd’hui se divulguer indignement. La plus grande sauvegarde sera de ne pas écrire, mais d’apprendre par cœur, car il est impossible

    151 a et suiv., soit de Ménon, 97 e, 98 a, 100 a. La correction ἀλλ’ ᾄττουσι m’a été suggérée par M. Diès. Les variantes des manuscrits la rendent très plausible, et les textes signalés de Ménon l’expliquent. L’épistolier a sans doute emprunté au dialogue l’idée des opinions qui ne sont pas suffisamment liées par le raisonnement causal : ὥστ’οὐ πολλοῦ ἄξιαί εἰσιν, ἕως ἄν τις αὐτὰς δήσῃ αἰτίας λογισμῷ, et qui pour ce motif s’échappent de l’âme, ἀλλὰ δραπετεύουσιν ἐκ τῆς ψυχῆς τοῦ ἀνθρώπου. Or, pour traduire à sa manière cette dernière image, ne se serait-il pas souvenu de celle des ombres errantes ou bondissantes qu’il lisait à la fin du même dialogue (100 a) : αἱ δὲ σκιαὶ ἀίσσουσι ?