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LETTRE VII

réponse valable aurais-je pu donner ? Aucune. Je suis donc parti pour des motifs raisonnables et justes, autant que peuvent l’être des motifs humains, abandonnant b à cause d’eux mes occupations habituelles qui n’étaient pas sans gloire, pour aller vivre sous une tyrannie qui ne paraissait convenir ni à mes enseignements ni à ma personne. En me rendant chez vous, je m’acquittais envers Zeus hospitalier[1] et je libérais de reproche le philosophe qui aurait été flétri en moi[2], si, par amour des aises et par timidité, je m’étais déshonoré.

À mon arrivée, — car il ne faut pas allonger — je ne trouvai que troubles autour de Denys : on calomniait Dion auprès du tyran. c Je le défendis de tout mon pouvoir, mais mon pouvoir était mince, et au bout de trois mois à peu près, Denys accusa Dion de conspirer contre le régime tyrannique, le fit embarquer sur un petit navire et le bannit honteusement. À la suite de cela, nous redoutions tous, nous, les amis de Dion, de voir l’un ou l’autre d’entre nous inculpé et châtié comme complice des intrigues de Dion. À mon sujet, le bruit courut à Syracuse que j’avais été mis à mort par Denys comme étant cause de tout ce d qui était arrivé. Mais ce dernier, nous voyant ainsi alarmés et redoutant que la crainte ne nous portât à des actes plus graves, nous traitait tous avec bienveillance, et moi en particulier, il m’encourageait, m’engageait à avoir confiance et me priait à toute force de demeurer, car si je le quittais, il n’en reviendrait pour lui aucun bien, au contraire si je restais. C’est pourquoi il affectait de me supplier avec instances. Or, nous savons combien les demandes des tyrans sont mêlées de contraintes. Il prit ses mesures pour e empêcher mon départ : il me fit conduire et loger à l’acropole[3].

    réfugièrent les disciples de Socrate et probablement Platon lui-même après la condamnation et la mort de leur maître.

  1. Zeus protecteur des étrangers, sous les auspices duquel Platon s’était rendu une première fois en Sicile.
  2. καὶ τῆς φιλοσόφου… μοίρας. Voir des expressions analogues dans Protagoras, 322 a, Critias, 121 a.
  3. C’est dans la citadelle que logeait Denys et c’est là qu’il maintint Platon durant ses deux séjours en Sicile, jusqu’au moment de la rupture définitive. Sous prétexte d’honneur, il gardait en réalité le philosophe sous une étroite surveillance. À l’abri des puissantes murailles qui entouraient l’acropole, Denys put longtemps tenir en échec Dion, lorsque celui-ci s’empara de Syracuse. — Plutarque, Dion, c. 16.