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NOTICE GÉNÉRALE

imitations, la redondance du style, la fréquence des tautologies, des anacoluthes… est un procédé très discutable. On sait trop bien que le Timée ou les Lois ne reproduisent plus la perfection artistique de la République, du Banquet ou du Phèdre, — et il n’y a pas un type unique de style platonicien. Sans doute, on doit tenir compte du critère stylistique, mais il faut éviter de couvrir de ce nom les suggestions d’un certain sens artistique, d’un certain flair, auxquelles d’autres sentiments, d’autres impressions, d’autres goûts s’opposeront aussi légitimement. Nous pourrions multiplier les exemples qui montrent à quelles impasses conduit une telle méthode. Nous nous contenterons de renvoyer le lecteur à la page 347 e de la 7e lettre, où Platon raconte sa rupture avec Denys. Cette description suggère à Karsten la conclusion suivante : « Profecto neminem fore arbitror, quin hac scena attente perlecta fateatur eam et rebus et verbis ita comparatam esse ut non Platonem, sed potius simium aliquem Platonis referat[1]. » — Ritter, au contraire, s’insurge contre l’appréciation de Karsten et en appelle à tout lecteur sans préjugé pour apprécier le ton de vérité qui se dégage de tout le morceau[2].

Des indices moins arbitraires amènent à des résultats plus positifs. L’analyse exacte des Lettres, des faits relatés, du milieu décrit nous permettront de constater s’il y a accord avec ce que l’histoire nous apprend. Il est évident qu’un trait, un détail peu conforme à ce que nous connaissons de l’époque supposée par la lettre, ou en contradiction avec un événement prouvé par des sources certaines, tranche la question, à moins qu’on ne puisse établir l’impossibilité pour Platon d’être exactement renseigné sur ce point. De même, si l’auteur expose des doctrines ou prône des méthodes manifestement postérieures, on aura une marque non équivoque de contrefaçon. Enfin, la langue même de l’écrivain sera d’un précieux secours. On l’a remarqué à propos des Lettres socratiques[3], et la remarque a une valeur générale : quelle

  1. Op. cit., p. 82.
  2. Neue Untersuchungen über Platon, p. 408.
  3. Obens, op. cit., p. 5 et 6.