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LETTRE VIII

Dion[1]. Tous les espoirs d’autrefois pouvaient revivre. Mais les troubles passés ont laissé dans le pays des traces si profondes que l’on sent encore les remous d’une tempête mal apaisée. Comment faire régner l’ordre là où la sédition fut maîtresse durant de si longues années ? De nouveau, on se tourne vers le philosophe dont les sages conseils ont dirigé Dion. Platon croit peut-être avoir encore un rôle à jouer dans les affaires de Sicile. Il écrit une seconde fois aux parents et amis de Dion, mais cette lettre, comme la précédente, veut atteindre un public beaucoup plus large ; elle est pour tous les Syracusains, même pour les adversaires. On excepte uniquement « quiconque s’est conduit criminellement, car il n’y a pas de remède pour ces actions et nul ne pourrait jamais s’en purifier ». Pas de pardon pour Callippe ! On ne le nomme même pas. Mais le souvenir du crime hante toutes les mémoires. L’assassin a subi son châtiment : il vit encore, mais est obligé d’errer de ville en ville. Qu’on l’oublie pour ne songer qu’à l’avenir !


Analyse de la lettre.

Platon joue ici le rôle de conciliateur qu’il rêvait de tenir. L’heure semble venue de porter des paroles de paix aux deux partis en lutte, celui de Dion et celui de Denys, de réaliser enfin « l’union sacrée ». Après les crises récentes, le pouvoir est encore mal affermi, on se demande quelle forme de gouvernement établir. Le philosophe vient proposer des conseils qu’on a sans doute sollicités. Il ne se dissimule certes pas la difficulté de l’entreprise dont il se fait ici le promoteur. L’expérience, du reste, ne doit-elle pas le laisser quelque peu sceptique ? Aussi est-ce plutôt un souhait pieux qu’il va formuler, un souhait qu’il prie les dieux de bénir.

1o Il donnera tout d’abord à ses correspondants un conseil général et théorique : rappelez-vous le passé, leur dit-il. C’est la famille de Denys qui vous a sauvés de la barbarie. À elle donc doit aller votre reconnaissance. La tyrannie a, sans doute, abusé du don que lui fit la cité, soit, mais elle en a déjà subi le châtiment ; elle en portera encore la peine. Il faut cependant tenir compte des circonstances et, afin d’éviter

  1. Durant deux ans, Hipparinos devait rester maître de la Sicile. Cf. Diodore, XVI, 31, 36.