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LETTRE VIII


L’auteur.

Les critiques s’accordent généralement pour reconnaître que la 8° lettre est une de celles qui présentent les marques les plus sérieuses d’authenticité. Le ton de l’écrit, les idées exprimées, la langue, tout rappelle Platon. Le faussaire dut être fort habile pour jouer aussi parfaitement le personnage dont il usurpait le nom et, de l’aveu même d’un des plus sévères proscripteurs de la collection entière, « …  à ne considérer que le texte en lui-même, il faut le lire et le relire plus d’une fois avant d’y découvrir de sérieux motifs de soupçon[1] ». Cependant, un examen plus détaillé semble révéler à certains des indices évidents de supercherie littéraire. L’auteur, peu au courant de l’histoire, n’aurait pas su éviter des anachronismes trahissant « un écrivain à qui les annales de la Sicile, dans la première moitié du ive siècle, n’avaient jamais été familières[2] ». Étudions les points controversés et voyons ce qu’il faut penser de l’accusation.


A. L’origine de la tyrannie (353 b). — D’après la lettre, la situation tragique dans laquelle se débattait la Sicile quand les Carthaginois menaçaient de la réduire à l’état barbare, stimula les citoyens à donner le titre de tyran avec pouvoir absolu, αὐτοκράτορας, ὥς φασιν, τυράννους, à Denys l’ancien et au père de Dion, Hipparinos. Or, ce renseignement contredit tout ce que nous apprennent les historiens concernant l’origine de la tyrannie. D’après ces derniers, c’est Denys lui-même qui, après avoir été investi d’une sorte de dictature militaire, transforma au bout d’un certain temps et grâce à des coups de force, son pouvoir en tyrannie. De plus, l’expression αὐτοκράτορας τυράννους n’offre pas de sens très acceptable.

Voici pourtant ce que racontent les historiens : d’après Diodore (XIII, 94), la crainte des Carthaginois et les habiles manœuvres de Denys amenèrent le peuple à proclamer ce dernier στρατηγὸν αὐτοκράτορα. Tel semble être le titre que l’on donnait dans des circonstances graves à des hommes de

  1. Huit, De l’Authenticité des Lettres platoniciennes in Compte-rendu de l’Académie des sciences morales et politiques, 1889, t. CXXXII, p. 862.
  2. Huit, op. cit., p. 864.