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NOTICES

les possède témoigne que, de l’autre côté de la tombe, les morts gardent encore quelque sentiment des choses d’ici-bas. Donc Denys et Platon devront veiller à leurs rapports d’amitié, rapports fort honorables pour l’un comme pour l’autre. Mais quand la force matérielle et la puissance spirituelle collaborent ainsi dans une cordiale entente, à qui doit revenir la préséance, au chef d’État ou au philosophe ? Sans nul doute, au philosophe, car en lui, c’est la sagesse qu’on honore. Ce principe commandera les relations mutuelles des deux associés, et, du reste, par des marques ostensibles d’estime envers le sage, le tyran s’attirera la gloire qu’il recherche.

La seconde partie de la lettre est presque exclusivement consacrée à des questions scientifiques. Archédèmos, le messager de Denys qui fait continuellement la navette entre Syracuse et Athènes, le même probablement qui, d’après la 7e lettre, supplia le philosophe, au nom de son maître, d’entreprendre une fois encore le voyage de Sicile, Archédèmos est venu soumettre à Platon, de la part du tyran, quelques doutes scientifiques, mais surtout l’interroger au sujet de cette merveilleuse connaissance qui fait le tourment des esprits avides d’absolu. Platon répondra, mais par énigmes, de peur que la doctrine ne soit profanée par des sots, si elle venait à leur connaissance. Cette doctrine concerne la nature du Premier. Une formule mystérieuse la résume : « Autour du Roi de l’Univers gravitent tous les êtres ; il est la fin de toute chose et la cause de toute beauté ; autour du Second se trouvent les secondes choses, et autour du Troisième, les troisièmes ». C’est à comprendre ces réalités qu’aspire de toutes ses forces l’âme humaine, mais, impuissante, elle n’arrive pas à satisfaire son désir, à déchirer les nuages qui lui voilent la pure vérité ; emprisonnée dans le sensible, elle n’entrevoit l’absolu qu’à travers des imperfections dont il est entièrement pur. Voilà son tourment. Denys s’était imaginé percevoir ce que nul encore n’a jamais pleinement saisi. Or, les doutes commencent à surgir en lui ; il a pris des ombres pour la réalité. L’angoisse s’empare de nouveau de son esprit : heureuse angoisse qui est le prélude de la délivrance pour qui a senti combien ses connaissances sont illusoires. Il faut donc chercher toujours, interroger, discuter, pour se libérer des solutions trompeuses. La science est le