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LETTRE III

attribuer plus de valeur significative à l’un qu’à l’autre. Bref, c’est un de ces lieux communs à propos desquels les sophistes se plaisent à subtiliser à la manière de Prodicos.

Saveur de rhétorique encore, la composition du morceau avec ses divisions nettes, ses transitions ménagées (Σχεδὸν δ’ εἰς λόγον… 318 e), ses différentes formes de narrations. L’auteur a voulu écrire une Apologie de Platon qui fît pendant aux Apologies de Socrate et l’on pourrait croire qu’il a choisi comme modèle l’Apologie rédigée par Platon. Même plan de part et d’autre. Platon, dans la Lettre, doit répondre à une double catégorie de calomniateurs, accusateurs d’ancienne date et accusateurs plus récents, tout comme Socrate dans l’Apologie. Les ressemblances sont évidentes entre l’Apologie 18 d et la Lettre 316 b. Et elles ne sont pas les seules. Adam[1] a déjà signalé d’autres ressemblances qui ne sont pas pur hasard et s’expliquent difficilement si on rejette l’hypothèse d’une contre-façon.

Mais ce qui est peut-être plus significatif, c’est la transposition faite par l’auteur de quelques passages de la 7e lettre, par ailleurs assez exactement résumée. Ce qui concerne, par exemple, le rôle joué par Platon dans la rédaction des νόμων προοίμια, n’est qu’un pastiche du récit relatif à l’ouvrage philosophique composé par Denys. On pourrait presque mettre en parallèles les deux séries de textes (III, 316 a et VII, 341 b). — Quand Platon en est à raconter dans la 7e lettre ses démêlés avec Denys au sujet de Dion et comment, après de vains efforts, il s’était vu contraint de renoncer à la lutte et soupirait après la liberté comme l’oiseau dans sa cage, il rappelle les machinations dont usa le tyran pour l’apaiser sans lui donner satisfaction : ὁ δὲ διαμηχανώμενος τίνα τρόπον ἀνασοβήσοι με μηδὲν ἀποδοὺς τῶν Δίωνος, 348 a. Les mêmes circonstances sont reproduites par l’auteur de la 3e lettre, mais celui-ci, soit par inintelligence du terme ἀνασοβήσοι, soit simplement pour le plaisir de modifier, transforme l’intention de Denys : celui-ci ne songe plus à calmer, mais à effrayer son censeur : μηχανὴν… ηὗρες, ἐμὲ ἐκφοβεῖν, 318 b.

Enfin, il est aisé de se rendre compte du procédé de composition de la scène finale. L’épistolier n’a pas reproduit tel quel l’entretien dramatique entre Denys, Platon, Eury-

  1. Archiv für Gesch. der Phil., 1910, p. 32.