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NOTICE

comme ceux que l’on croit deviner en juxtaposant des séries de textes d’Eschine et d’Antisthène, et qui reviennent constamment dans les œuvres socratiques, circulaient probablement dans le milieu des écoles, par exemple le lieu commun suivant : Alcibiade se croit heureux parce qu’il possède les biens extérieurs, mais, en fait, il est malheureux, et cela parce qu’il est ignorant de la seule science qu’il importe d’avoir, la connaissance de soi-même.

Une comparaison concluante nous paraît seulement possible entre les deux dialogues platoniciens et permet d’inférer que le second Alcibiade est postérieur au premier et dépend de celui-ci.

L’étude de la langue nous fixe déjà sur l’époque tardive de la composition. Des expressions comme εἰς τὸ παρῆκον τοῦ χρόνου (148 c), ἀν’ ἕκαστον ἔτος (148 c), εἰπεῖν au sens de demander, 143 e… ne sont certainement pas attiques et dénotent une période relativement récente.

Mais le parallélisme d’idées que l’on constate entre les deux dialogues, les procédés d’imitation mis en œuvre, décèlent sans difficulté, d’une part le modèle, de l’autre, le plagiat. Un passage surtout nous semble caractéristique. Dans le premier Alcibiade (105 a et suiv.), Socrate veut aider son disciple à prendre conscience de son âme et lui dévoile ses propres sentiments : « Voici mon idée : si quelque dieu te disait : « Que préfères-tu, Alcibiade ? continuer à vivre « avec ce que tu as maintenant, ou mourir sur l’heure, ne pouvant rien acquérir de plus ? » oh ! je crois bien que tu préférerais mourir. Quel est donc l’espoir qui te fait vivre ? Je vais te le dire. Tu penses que si, un de ces jours, tu prends la parole devant le peuple — et tu comptes bien le faire prochainement — tu convaincras les Athéniens, du premier coup, que tu mérites bien plus de considération que Périclès ou tout autre avant lui, et tu te dis que, dès lors, tu seras tout puissant dans cette ville. Et si tu es puissant chez nous, tu le seras aussi chez les autres Grecs ; que dis-je ? non seulement chez les Grecs, mais encore chez les barbares qui habitent le même continent que nous. Seulement, si le même dieu te disait ensuite que tu dois te contenter de régner ici, en Europe, mais qu’il ne te sera pas donné de passer en Asie ni de rien entreprendre là-bas, j’imagine qu’à