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SECOND ALCIBIADE

ces conditions-là même tu ne voudrais pas vivre, ne pouvant remplir presque toute la terre de ton nom et de ta puissance[1] ».

Or, voici la réplique dans le second Alcibiade. Socrate, ici également, veut aider son imprudent disciple à prendre conscience de la portée de ses prières : « Et j’imagine, toi tout le premier, que le dieu auprès duquel tu te rends vienne à t’apparaître et te demande, avant que tu formules quelque prière, s’il te plairait de devenir tyran d’Athènes : au cas où tu jugerais la chose insignifiante et vraiment trop peu importante qu’il ajoute : et de toute la Grèce ; mais s’apercevant que tu crois encore avoir trop peu, à moins d’ajouter : de toute l’Europe, qu’il te fasse également cette promesse, puis se contente alors, sur ton désir, d’y joindre celle-ci : aujourd’hui même, tout le monde saura qu’Alcibiade, fils de Clinias est tyran, — tu t’en retournerais, j’en suis sûr, comblé de joie, comme venant d’obtenir les plus grands biens[2] ».

Les deux textes ne sont pas indépendants, malgré la différence des conclusions. Dans le dialogue sur la prière on saisit aisément le procédé d’imitation. L’auteur a certainement cherché à utiliser un développement pittoresque du premier Alcibiade, et cela au détriment de la logique. Socrate exposait, en effet, le thème suivant : il y a des gens qui, dans leurs prières, sollicitent pour eux des maux, s’imaginant demander des biens. La suite des pensées exigerait que, dans l’exemple choisi en confirmation du fait général, ce fût Alcibiade qui formulât sa demande. Or, il n’en est rien. Socrate continue : « si quelque dieu t’apparaissait et t’offrait la tyrannie ». Une telle saute d’idées ne s’expliquerait-elle pas par une attention trop exclusive apportée au modèle ?

Ailleurs, on constate encore la ressemblance des deux écrits. On retrouve non seulement un parallélisme entre les développements, mais encore des transferts de formules ou d’expressions. Ainsi les deux dialogues traitent presque dans les mêmes termes et au moyen d’exemples analogues le

  1. Premier Alcibiade, 105 a, b, c (Traduct. M. Croiset, Platon, Œuvres complètes, t. I. Collect. Guillaume Budé).
  2. Second Alcibiade, 141 a, b.