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SECOND ALCIBIADE

La prière
imprudente.

Socrate. — Tu vois donc qu’il n’est pas sûr d’accepter sans réflexion ce qu’on vous offre, ni d’en souhaiter la réalisation, si on s’expose à en recueillir des dommages ou même à perdre la vie. dQue j’en pourrais citer qui avaient soupiré après la tyrannie et avaient travaillé à l’obtenir, comme un bien à réaliser, et qui, grâce à la tyrannie, périrent au milieu des embûches ! Tu n’ignores sans doute pas certains événements d’hier et d’avant-hier[1] : le favori d’Archélaos[2], tyran de Macédoine, non moins amoureux de la tyrannie qu’Archélaos ne l’était de lui, tua son amant pour acquérir la tyrannie et le bonheur ; eil s’y maintint trois ou quatre jours, mais victime, à son tour, de machinations tramées par d’autres, il succomba. Tu vois aussi, parmi nos concitoyens, (car ces faits, nous ne les avons pas appris par ouï-dire, mais nous en fûmes témoins), 142tous ceux qui avaient désiré si ardemment la charge de stratège et qui l’obtinrent : les uns encore aujourd’hui se trouvent exilés, d’autres ont péri. Quant à ceux qui paraissent avoir le mieux réussi, ce fut au milieu de dangers et de périls sans nombre, et pas seulement dans l’exercice de leur charge à l’armée, mais chez eux, à leur retour : ils eurent continuellement à subir de la part des sycophantes un siège en règle, tout autant que de la part des ennemis. Aussi plusieurs eussent souhaité n’avoir jamais exercé le commandement bplutôt que d’avoir commandé. Si, du moins, ces périls et ces efforts apportaient quelque avantage, cela aurait quelque raison, mais il en est aujourd’hui tout autrement. Tu trouveras qu’il en est de même au sujet des enfants : il y a des gens qui font des vœux pour en avoir, et quand ils en ont, les calamités et les pires malheurs fondent sur eux : pour les uns, ce sont des enfants qui, vicieux jusqu’au bout, leur ont procuré une vie entière de chagrin ; d’autres

  1. Imitation d’Homère, Iliade, II, 303.
  2. Voir comment, dans Gorgias, 470 d, le sophiste Polos vante chez Archélaos l’absence de scrupules. Archélaos, fils naturel de Perdiccas II, s’empara, en effet, du pouvoir, au moyen d’une série de crimes. Il régna de 413 à 399 et travailla avec succès au développement de la puisssance macédonienne. Comme fondateur de villes, constructeur de routes et organisateur d’armées, il fit plus, au dire de Thucydide, que les huit rois ses prédécesseurs (II, 100, 2). Sa mort est racontée d’une façon un peu différente par les historiens.