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NOTICE

Socrate, conclusion probablement ironique, mais très positive.

Bref, la construction du dialogue, les procédés littéraires, la façon d’éprouver un esprit et de le soumettre à l’examen, ne nous rappellent que de fort loin ce que nous savons de Platon.


2. Faut-il dès lors considérer Hipparque comme postérieur à Platon et même à Aristote ? Cette thèse a été soutenue ces dernières années par un critique viennois, J. Pavlu, qui s’est spécialisé dans l’étude des apocryphes plato­niciens[1]. Son argumentation repose principalement sur les trois indices suivants :

1o Le dialogue témoigne d’influences stoïciennes. La proposition que tout bien est un gain, que tout homme est cupide (φιλοκερδής) au sens socratique, est certainement contraire à l’esprit platonicien : la République, par exemple, ou les Lois regardent la φιλοκέρδεια comme un mal, et le φιλοκερδής, comme un homme pervers[2]. Une telle doctrine s’apparenterait davantage à la théorie stoïcienne des προηγμένα. De plus, le portrait d’Hipparque fait songer au sage du stoïcisme. Ne trouve-t-on pas chez le Pisistratide ce même désir de faire l’éducation des hommes et de les former à la vertu (228 c, 229 c) ?

2o L’auteur se complaît dans les recherches historiques. Or, si Platon s’y intéressait dans ses derniers ouvrages, ce fut surtout l’objet de prédilection d’Aristote et de ses disciples. Le pseudo-Platon affecte l’érudition, fait parade de critique, autant d’indices d’une époque où l’histoire était peut-être plus à la mode que la philosophie.

3o Le dialogiste connaissait très probablement la Constitution d’Athènes. Sa description du caractère d’Hipparque rappelle assez ce que dit Aristote. De plus, quand il affirme que seules les trois années du gouvernement d’Hippias furent des années rudes et que les Athéniens vivaient auparavant sous un âge d’or (ὥσπερ ἐπὶ Κρόνου βασιλεύοντος, 229 b), ne veut-il pas contredire l’assertion d’Aristote qui plaçait l’âge d’or uniquement sous la tyrannie de Pisistrate[3] ? L’intention

  1. Dr Josef Pavlu, Die pseudoplatonischen Zwillingsdialoge Minos und Hipparch, Wien, 1910.
  2. République IX, 582 a et suiv. ; Lois I, 649 d.
  3. Constitution d’Athènes XVI, 7, διὸ καὶ πολλὰ κλέ[α ἐ]θρ[ύλλο]υν ὡς ἡ Πεισιστράτου τυραννὶς ὁ ἐπὶ Κρόνου βίος εἴη.