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NOTICE

dans certains cas, inutiles à l’entretien de la vie. Donc, elles ne possèdent pas ce caractère d’utilité reconnu nécessaire à la notion de richesse (403 d-405 b) ; b) Critias ne doit pas confondre ce qui, de près ou de loin, peut servir à un but, et le moyen réellement efficace. Sans quoi, il faudrait dire que la fortune mal acquise, qui permet de se procurer la science, est un moyen utile à la vertu, puisque la science est la voie de la vertu. On voit que la conséquence absurde et contradictoire serait : le vice est utile à la vertu ; c) enfin, l’état le meilleur n’est-il pas celui où l’on éprouve le moins de besoins ? Or, les passions constituent les besoins les plus tyranniques. Dès lors, vouloir posséder et posséder en fait une abondance de richesses, n’est-ce pas avouer qu’on a des besoins considérables à satisfaire, des passions nombreuses à assouvir ? Donc, la conclusion s’impose : les plus riches de telles richesses sont aussi les plus misérables [retour à la deuxième thèse] (405 c-fin).


Si par quelques détails extérieurs, par une certaine grâce dans la mise en scène, par l’aisance et le naturel de la conversation, le dialogue fait longer un peu à la manière platonicienne, il faut reconnaître cependant que la dialectique de l’Éryxias est bien inférieure à celle du philosophe athénien. L’analyse où nous avons essayé de mettre en relief les principales articulations de la pensée, aura fait ressortir les fastidieuses redites qui veulent prendre couleur d’arguments nouveaux, l’inconsistance, le manque de fermeté des raisonnements. La façon dont l’auteur exploite les trois ou quatre thèmes empruntés à des sources différentes, rappelle de fort loin la méthode du maître qui domine son sujet et marque de son empreinte personnelle des idées fortement décolorées par l’usage. Cet auteur est un éclectique incapable de ramener l’unité de la synthèse des éléments disparates. L’affabulation elle-même ne révèle pas la vigueur et la puissance d’un habile metteur en scène. Les caractères des personnages sont assez ternes et parfois incohérents. A-t-on remarqué, par exemple, comment Critias ne sait plus reconnaître, quand elle est soutenue par Socrate, la thèse qu’il a impétueusement défendue lui-même (396 d-e, 397 a), et comment il semble prêt à faire sienne une doctrine qu’il combattait (403 c-d) ?