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NOTICE

la science dirige l’emploi qu’on en fait. Par eux-mêmes, ils sont neutres, ils n’ont pas de valeur. Seule la σοφία est un bien ; l’ἀμαθία, un mal (281 d-e). Le Socrate d’Éryxias résout dans le même sens la question de la valeur des richesses, mais plus que celui de l’Euthydème, il insiste sur leur trop fréquente nocivité et conclut par une déclamation pessimiste concernant la misère des riches.

L’auteur du dialogue avait aussi peut-être sous les yeux les développements analogues du Ménon (87 e-88 b). Ici également, Platon juge de la valeur des biens extérieurs ou intérieurs par leur usage (ὀρθὴ χρῆσις) : il y a un usage nuisible et un usage avantageux. Toute la différence provient de l’absence ou de la présence de la science. Ces idées, que l’on retrouve encore chez d’autres socratiques, devaient être lieux-communs utilisés par les différentes écoles. L’Économique de Xénophon nous en fournit un témoignage et il suffira de lire les textes du 1er chapitre qui jouent sur les termes χρήματα, χρήσθαι, χρήσιμοι, un peu à la manière de l’Éryxias. Ici, également, on définit la richesse : tout ce dont on sait se servir, tout ce qui, par conséquent, procure une utilité et jamais un dommage[1] !

De telles doctrines contiennent déjà en germe la thèse stoïcienne des indifférents. L’Euthydème, en proclamant l’insignifiance des biens extérieurs considérés en eux-mêmes, laisse pressentir la grande maxime vulgarisée par le Portique. Les écoles dérivées de Socrate, à leur tour, particulièrement les Cyniques, affichaient leur mépris pour ce que les hommes appellent des biens, et répétaient que nul objet n’est, de par sa nature, bon ou mauvais : les circonstances seules le font tel[2]. Ainsi point n’est besoin de recourir aux sources stoïciennes pour expliquer les thèmes analogues de l’Éryxias.

Cependant, certaines tendances du dialogue semblent s’accorder davantage avec celles d’une époque postérieure à

  1. Économique I, 10, 11 : Ταὐτὰ ἄρα ὄντα τῷ μὲν ἐπισταμένῳ χρῆσθαι αὐτῶν ἑκάστοις χρήματα ἐστι, τῷ δὲ μὴ ἐπισταμένῳ οὐ χρήματα… Καὶ ὁμολογουμένως γε, ὡ Σώκρατες, ὁ λόγος ἡμῖν χωρεῖ, ἐπείπερ εἴρεται τὰ ὠφελοῦντα χρήματα εἶναι…
  2. Cf. Mémor. III. 8, 4-7 ; IV. 2, 32. On peut comparer ces textes à certains textes stoïciens, v. g. Von Arnim, Stoicorum fragmenta, III, 117 ; Tableau de Cébès, XL, XLI.