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ÉRYXIAS

fasse convenir avec moi que, 396pour certaines gens, c’est un mal d’être riche. Or, si c’était un bien, cela ne pourrait paraître un mal pour quelques-uns d’entre nous ». — Je leur dis alors : « Si vous vous trouviez en désaccord sur la question de savoir lequel de vous deux avance les propositions les plus exactes sur l’équitation, comment on monte le mieux à cheval, et s’il arrivait que je fusse moi-même un homme compétent dans la matière, je m’efforcerais de terminer votre différend, — j’aurais honte, moi présent, de ne pas faire tout mon possible pour empêcher vos dissentiments. Ainsi de tout autre sujet de désaccord, bcar forcément, si vous ne finissez par vous entendre, vous vous séparerez plus ennemis qu’amis. Or maintenant, puisque vous voilà divisés à propos d’une chose dont il faut faire usage durant toute la vie et pour laquelle il importe tant de savoir le cas qu’il en faut faire, si elle est utile ou non, — et cette chose n’est pas de celles qui passent parmi les Grecs pour insignifiante, mais pour très sérieuse : les parents, dès que leurs fils leur paraissent en âge de raisonner, cles engagent d’abord à rechercher les moyens de faire fortune[1], car si tu as quelque chose, on t’estime ; autrement, non[2], — puisque donc, on se préoccupe si fort de cette affaire, et que vous, d’accord sur tout le reste, vous différez d’avis en matière si grave ; puisque, de plus, votre désaccord ne porte pas sur le fait de savoir si la richesse est noire ou blanche, légère ou lourde, mais si elle est un bien ou un mal, et que rien ne peut mettre l’inimitié entre vous comme ce dissentiment dsur les biens et les maux, alors que les liens du sang et de l’amitié vous unissent si étroitement, — moi, autant que c’est en mon pouvoir, je ne

    (IX, 51), Protagoras affirma le premier que, sur tout sujet, on pouvait composer deux discours contraires : καὶ πρῶτος ἔφη δύο λόγους εἶναι περὶ παντὸς πράγματος ἀντικειμένους ἀλλήλοις. — Cf. aussi la méthode des ἀντιλογικοί décrite dans Phédon, 90 b, c.

  1. Cf. dans Clitophon (407 b) la parodie de l’exhortation socratique aux parents qui n’ont d’autre souci que d’amasser des richesses et de les transmettre à leurs enfants.
  2. Cet aphorisme est en quelque sorte passé en proverbe chez les Grecs. « L’argent, c’est là tout l’homme, disait Alcée, et nul pauvre n’est estimé » (fr. 49). Voir dans le même sens, Bacchylide, IX, 49. Bion prétendait qu’il en est des riches comme des bourses de peu de prix. Celles-ci valent par leur contenu. De même les hommes,