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ÉRYXIAS

teurs délirer bà tel point qu’on le chassait du gymnase, et toi, au contraire, tu sembles à l’instant avoir si bien parlé que non seulement tes auditeurs ont été convaincus, mais même ton contradicteur a été forcé de se ranger à ton avis. Il est clair que c’est comme au tribunal : s’il arrive que deux hommes apportent le même témoignage, l’un des deux passant pour honnête et l’autre pour méchant, le témoignage du méchant, loin de convaincre les juges, les inclinerait plutôt vers l’opinion contraire, mais l’affirmation de l’honnête homme donnera aux mêmes choses une grande apparence de vérité. cTes auditeurs et ceux de Prodicos ont peut-être éprouvé des sentiments analogues. En celui-ci, on a vu un sophiste et un bavard ; en toi, un homme politique et de grand mérite. De plus, ils s’imaginent que ce n’est pas au discours qu’il faut regarder, mais aux discoureurs et voir quelle sorte de gens ils sont ». — « En vérité, Socrate, dit Érasistratos, tu as beau parler en plaisantant, Critias me paraît bien dire quelque chose ». — « Mais, par Zeus, répondis-je, dje ne plaisante pas le moins du monde. Pourquoi donc, puisque vous dissertez si bellement, ne pas terminer la discussion ? Il vous reste encore, je crois, un point à examiner, après vous être mis d’accord sur ce fait que la richesse est un bien pour les uns, un mal pour les autres. Il vous reste à chercher, en effet, ce que c’est précisément que d’être riche. Car, si vous ne savez d’abord cela, vous ne pourrez jamais convenir entre vous esi c’est un bien ou un mal[1]. Je suis prêt de mon côté, autant que j’en suis capable, à chercher avec vous.


Troisième thèse.

« Qu’il nous dise, celui qui affirme que la richesse est un bien, ce qu’elle est en réalité ». — « Mais Socrate, moi, je ne dis rien de plus que rhétorique. Isocrate l’emploie parfois dans ce sens, mais ce n’est nullement la signification platonicienne.

  1. Telle est la méthode que la tradition attribue à Socrate. On en trouve de nombreux exemples dans les dialogues de Platon : avant de déterminer quelles sont les qualités qui conviennent à un objet, il faut d’abord définir cet objet. Voir Ménon, 71 a, b : comment saurait-on si la vertu peut s’enseigner ou s’acquiert autrement, quand on n’a pas la moindre idée de ce qu’elle est ? ὃ δὲ μὴ οἶδα τί ἐστιν, πῶς ἂν ὁποῖόν γέ τι εἰδείην.