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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 3.djvu/202

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AXIOCHOS

durables et sans mélange de plaisirs ; les maladies, les inflammations des organes des sens, les maux internes, l’âme, répandue à travers les pores du corps, les subit nécessairement et elle désire avec ardeur l’éther céleste pour lequel elle est faite, elle en a soif, elle se tend de désir vers cette vie de là-bas et vers les chœurs divins. bEn sorte que quitter la vie, c’est échanger un mal pour un bien.

Axiochos. — Mais, Socrate, puisque tu regardes la vie comme un mal, pourquoi y restes-tu ? Toi surtout, un penseur, et qui dépasse en intelligence la plupart d’entre nous[1].

Socrate. — Axiochos, ton témoignage sur moi est faux. Comme le peuple athénien, tu crois, parce que je scrute toutes choses, que j’ai quelque savoir. Plût au ciel que je connusse seulement les choses ordinaires, tant je suis éloigné des idées sublimes ! Mais ce que je vais dire est l’écho du sage Prodicos. cJe l’ai payé une fois une demi-drachme ; une autre fois, deux drachmes et une autre encore, quatre drachmes, car cet homme n’instruit personne gratis[2] et il a coutume de répéter sans cesse le mot d’Épicharme : « Une main lave l’autre[3] », donne et tu recevras. Récemment donc, il faisait une conférence chez Callias, le fils d’Hipponicos, et il a dit sur la vie de telles choses que pour un peu, j’allais y renoncer. Depuis ce temps, mon âme soupire après la mort, Axiochos.

Axiochos. — Qu’étaient donc ces choses qu’il disait ?


Deuxième
argument.

Socrate. — Je vais te répéter ce dont je me souviens. dIl disait : Quel âge est exempt de peines ? À son entrée dans la vie, l’enfant ne pleure-t-il pas et n’est-ce point par le chagrin qu’il débute dans l’existence ? Aucune souffrance, certes, ne

    mais qui sont plutôt à l’éloge du corps : ἁ γὰρ φύσις οἷον ὄργανον ἁρμόξατο τὸ σκᾶνος, ὑπακοῦόν τε εἶμεν καὶ ἐναρμόνιον ταῖς τῶν βίων ὑποθέσεσι (104 d). Le terme σκῆνος, pour désigner le corps, est du vocabulaire de Démocrite (Diels, Die Frag. der Vorsok. II, 55 B, 187).

  1. Cf. Apologie, 18 b ; 34 e.
  2. Cf. Cratyle, 384 b ; Hipp. Maior, 282 c.
  3. Épicharme est un poète comique du vie siècle. Il passe pour avoir exprimé dans ses écrits la philosophie de son temps. Le fragment cité dans Axiochos n’est peut-être pas cependant authentique (Diels4 I, 13 b, 30 et p. 116, rem. 6).