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AXIOCHOS

insiste et prend un gage, tantôt la vue, tantôt l’ouïe, souvent les deux. Si on résiste, elle paralyse, elle déforme, elle disloque. Il y a des gens qui s’épanouissent dans la floraison d’une longue vieillesse, et alors, par l’esprit, les gens qui vieillissent ont deux enfances[1]. Aussi les dieux qui savent les choses humaines, cse hâtent de délivrer de la vie ceux qu’ils chérissent. Agamède et Trophonios qui avaient construit le temple d’Apollon Pythien, prièrent le dieu de leur donner ce qu’il y avait de mieux pour eux : ils s’endormirent et ne se réveillèrent plus. La prêtresse d’Argos avait semblablement demandé à Héra de récompenser ses fils pour leur acte de piété filiale : comme l’attelage faisait défaut, les jeunes gens eux-mêmes s’étaient mis sous le joug et avaient porté leur mère au temple ; le résultat de la prière fut que, la nuit même, ils passèrent de vie à trépas[2]. dIl serait trop long de citer tous les poètes qui de leurs voix divines et inspirées chantent les misères de la vie. J’en mentionnerai un seul, le plus digne d’être rappelé. Il dit :

Le destin que les dieux ont filé pour les infortunés mortels
est de vivre dans l’affliction[3],

et :

e

Non certes, il n’est point d’être plus à plaindre que l’homme
Parmi ceux qui respirent et rampent sur la terre[4].

    la façon dont ils étaient choisis et la nature de leur fonction, cf. Aristote, Const. d’Ath., 42. — Toute la description des contraintes que l’on fait subir à l’enfant et au jeune homme pourrait avoir été inspirée par une page du Protagoras (325 c-326 c). Malgré la différence des textes, on ne peut s’empêcher de remarquer de réelles analogies.

  1. Cf. Platon, Lois, I, 646 a : οὐ μόνον ἄρ’, ὡς ἔοικεν, ὁ γέρων δὶς παῖς γίγνοιτ’ ἄν, ἀλλὰ καὶ ὁ μεθυσθείς. — Voir aussi, Aristophane, Nub., 1417 :
    ἐγὼ δὲ γ’ ἀντείπομ’ ἂν ὡς δὶς παῖδες οἱ γέροντες.
  2. Sur les deux légendes d’Agamède et Trophonios et des fils de la prêtresse d’Argos, cf. la notice, p. 130. La source première de la légende concernant les constructeurs du temple d’Apollon est peut-être Pindare (fr. 26) ; celle concernant la prêtresse d’Argos est Hérodote I, 31. Mais l’auteur d’Axiochos emprunte son récit à des traditions plus récentes, probablement à Crantor.
  3. Iliade, XXIV, 525.
  4. Ibid., XVII, 446-447.