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DU JUSTE

Oui.

eCes mêmes choses, manifestement, sont donc toutes justes et injustes.

Je le crois aussi.

Écoute : j’ai un œil droit et un œil gauche comme tout le monde ?

Oui.

Une narine droite et une narine gauche ?

Assurément.

Une main droite et une main gauche ?

Oui.

Eh bien ! puisque ces mêmes parties de mon corps, tu les appelles les unes droites et les autres gauches, si je te demandais lesquelles, ne pourrais-tu me répondre : celles qui sont de ce côté sont droites, celles qui sont de cet autre sont gauches ?

Si.

Fais-en autant ici. Puisque tu donnes aux mêmes choses tantôt le nom de justes, tantôt le nom d’injustes, peux-tu me dire lesquelles sont justes, 375lesquelles injustes ?

À mon avis, toutes celles qui sont faites à propos et au moment propice[1] sont justes, et celles qui sont faites hors de propos sont injustes.

Ton idée est bonne. Donc celui qui accomplit toutes ces actions à propos agit justement, celui qui les accomplit hors de propos, injustement ? Oui.

Par conséquent, l’un accomplissant les actions justes est juste, l’autre accomplissant des actions injustes est injuste ?

C’est cela.

Mais quel est celui qui peut, à propos et au moment propice tailler et brûler, ou faire maigrir[2] ?

  1. La notion de καιρός, norme du bien, est courante chez les moralistes grecs. Elle est, sans doute, une transposition de la notion médicale : le καιρός est le juste milieu, le point précis en deçà et au delà duquel l’équilibre est rompu dans le corps (Cf. Hippocrate : περὶ τόπων τῶν κατὰ ἄνθρωπον, Littré VI, 339, 44). Platon identifie le καιρός et le δέον à la mesure morale, qui apporte partout où elle s’introduit beauté et bonté (Politique 283 c-285 c).
  2. Platon, dans Gorgias 522 a, a des expressions semblables pour désigner l’œuvre des médecins.