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DE LA VERTU

Y a-t-il quelqu’un qui préfère recevoir un dommage qu’une aide ?

Personne.

Donc personne ne préfère vivre parmi les mauvais plutôt que parmi les gens de bien[1].

Parfaitement.

Donc aucun homme de bien ne refusera par envie de rendre un autre homme bon et semblable à lui.

Il ne le semble pas, du moins d’après ce discours.

Tu as entendu dire, n’est-ce pas, que Thémistocle avait un fils, Cléophante.

Je l’ai entendu dire.

Il est donc clair que Thémistocle n’a pas évité par envie de rendre son fils le meilleur possible, blui qui n’aurait refusé ce service à personne, si vraiment il était bon ? Or, il l’était, nous l’avons dit.

Oui.

Tu sais aussi que Thémistocle apprit à son fils à être un bon et habile cavalier : il restait ferme et droit à cheval et lançait ainsi le javelot ; il faisait encore toutes sortes de prouesses étonnantes. Thémistocle lui a également appris bien d’autres choses et l’a fait instruire en toutes les sciences que pouvaient enseigner de bons maîtres. N’as-tu pas entendu là-dessus les anciens ?

Je les ai entendus,

cCe n’est donc pas la nature de ce fils qu’il faudrait incriminer comme mauvaise.

Ce ne serait pas juste, d’après ce que tu dis.

Et encore ceci : que Cléophante, fils de Thémistocle, ait hérité de la bonté et de la sagesse de son père, l’as-tu jamais entendu dire par qui que ce soit, jeune ou vieux[2] ?

Je ne l’ai pas entendu dire.

Pourrons-nous croire pourtant que ce père ait voulu faire

  1. Cette question est traitée par Platon dans l’Apologie, 25, c, d et suiv. et résolue de la même façon : il est évident que personne ne préfère vivre avec des malfaiteurs plutôt qu’avec des gens de bien, car il n’est pas un homme qui aime mieux être maltraité que bien traité par ceux qu’il fréquente : Ἔστιν οὖν ὅστις βούλεται ὑπὸ τῶν συνόντων βλάπτεσθαι μᾶλλον ἢ ὠφελεῖσθαι ; … Οὐ δῆτα.
  2. Sur Cléophante, cf. Ménon, 93 d.