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NOTICE

aux deux. Par conséquent, la difficulté proposée subsiste : à qui vaut-il mieux se fier ?

II

L’ÉPOQUE ET L’AUTEUR

L’analyse précédente nous révèle déjà le genre littéraire auquel appartient le Démodocos. Cet ensemble de dissertations constitue très probablement un recueil d’ἀπορίαι, semblables à celles qui furent en honneur parmi les sophistes du ve et du ive siècle. On sait que, de bonne heure, les progrès de la science provoquèrent des étonnements naïfs, suscitèrent des questions bizarres dont s’est enrichie la littérature durant de longues années. Hérodote, les traités hippocratiques, les fragments d’Aristote, nous font connaître un grand nombre de ces διὰ τί, μάλιστα ἀπορῶ, ἄτοπόν ἐστιν, qui nous paraissent aujourd’hui des enfantillages ridicules et pourtant semblent avoir été posés sérieusement[1]. Ces doutes portent principalement sur des phénomènes d’ordre physique. Mais on peut supposer que les questions morales furent également l’objet d’une telle méthode de recherche. Nous en avons un exemple dans les Problèmes pseudo-aristotéliciens qui sont aussi un recueil d’ἀπορίαι et s’intéressent surtout, il est vrai, aux faits de la nature. Mais les thèmes moraux ne sont pas absents : nous trouvons des sections entières de l’ouvrage consacrées, par exemple, à l’intempérance et à la tempérance (sect. 28), à la justice et à l’injustice (sect. 29), à la prudence, à l’esprit et à la sagesse (sect. 30).

Ce fut probablement dès l’époque socratique, quand on commença à se préoccuper des problèmes de l’âme, que surgirent les doutes à propos des doctrines morales. Ainsi naquit la casuistique. Les sophistes ne manquèrent pas d’exploiter un terrain encore neuf. Des questions comme celles que l’on rencontre dans les Mémorables de Xénophon, dans les δισσοὶ λόγοι, dans le dialogue pseudo-platonicien de Justo, ou au

  1. Voir quelques-unes de ces questions dans A. Rivaud, Le Problème du devenir et la Notion de la matière dans la philosophie grecque depuis les origines jusqu’à Théophraste, p. 237, note 597.