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DÉMODOCOS

cvous ayez cette science, ou que vous ne l’ayez pas, ou que, parmi vous, les uns l’aient, les autres ne l’aient pas ? Si tous vous avez cette science, à quoi bon vous réunir pour délibérer ? N’importe qui de vous suffit pour donner cet avis. Mais si nul d’entre vous n’a cette science, comment pourriez-vous délibérer ? Et quel serait pour vous l’avantage de cette assemblée, si elle est faite de gens qui ne sont pas capables de délibérer ? Mais si, parmi vous, les uns ayant la science, les autres ne l’ont pas et, dpar conséquent, ont besoin de conseils, au cas où il est possible à un homme prudent de conseiller des gens inexpérimentés, un seul évidemment suffit bien à vous donner cet avis, à vous qui ne savez pas. N’est-il pas vrai, en effet, que ceux qui savent donnent des conseils identiques ? Vous n’avez donc qu’à entendre cet homme, et cela fait, à vous séparer. Or, au lieu de cela, vous voulez entendre beaucoup de conseillers. Vous ne supposez pourtant pas que tous ceux qui entreprennent de vous apporter leur avis sont compétents sur tout ce qui fait l’objet de leurs conseils ? car, si vous le supposiez, il vous suffirait d’en entendre un seul. 381Donc, vous réunir pour écouter des gens qui ne savent pas et croire faire ainsi quelque chose d’utile, n’est-ce pas vraiment absurde ? Et voilà ma difficulté au sujet de votre assemblée[1].

Quant au zèle de ceux qui prétendent vous donner leurs conseils, voici mes doutes : d’une part, si tous n’apportent pas le même avis sur les mêmes matières, comment tous conseilleraient-ils bien, eux qui ne conseillent pas ce que conseille le conseiller qui a raison ? Et comment ne serait-il pas absurde ce zèle bde gens empressés à donner leur avis sur des questions pour lesquelles ils manquent de compétence ?

  1. Ce thème a été souvent développé par Platon : dans les assemblées politiques ou autres, quand on délibère sur une question technique, on prend l’avis des plus compétents. Voir, par exemple, Protagoras, 319 b : « Les Athéniens sont, à mon sens, comme au jugement des autres Grecs, un peuple intelligent. Or je vois, quand l’Assemblée se réunit, que, s’il s’agit pour la cité de constructions à entreprendre, on appelle en consultation les architectes, s’il s’agit de navires, les constructeurs de navires, et ainsi de suite pour toutes les choses qu’ils considèrent comme pouvant s’apprendre et s’enseigner ; et si quelque autre, qui ne soit pas regardé comme un technicien, se mêle de donner son avis, fût-il beau, riche ou noble,