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DÉMODOCOS

Quelqu’un en accusait un autre de naïveté, parce qu’il était prompt à ajouter foi aux paroles des premiers venus : il est raisonnable, en effet, de se fier à celles de ses concitoyens et de ses amis, mais croire des hommes que l’on n’a jamais vus ni entendus auparavant, et cela sachant bien que la plupart des mortels sont des fanfarons et des méchants[1], ce n’est pas une petite marque de sottise. Un des assistants prit alors la parole :

dJe croyais, dit-il, que tu estimais beaucoup plus celui qui comprend vite n’importe qui, que celui dont l’intelligence est lente[2].

C’est bien ma pensée, répondit le premier.

Pourquoi donc, reprit l’autre, lui reproches-tu d’ajouter foi promptement et aux premiers venus qui lui disent la vérité ?

Ce n’est pas cela que je reproche, mais, c’est de croire aussitôt des gens qui mentent.

Et s’il prend son temps et se laisse tromper en accordant crédit à des gens qui ne sont pas les premiers venus, ne le blâmeras-tu pas davantage ?

Si certes, dit-il.

Serait-ce parce qu’il y a mis le temps et parce qu’il n’a epas cru les premiers venus ?

Non, par Zeus.

Je ne pense pas, en effet, que ce soit pour ce motif, qu’un homme, selon toi, mérite d’être blâmé, mais plutôt, parce qu’il croit des racontars indignes de créance.

Parfaitement, dit-il.

Ce n’est donc pas parce qu’il y a mis le temps et qu’il a ajouté foi à des gens qui ne sont pas les premiers venus que, pour toi, il mérite d’être blâmé, mais à cause de sa promptitude et de sa facilité à croire n’importe qui ?

  1. Parmi les ἀκούσματα attribués aux pythagoriciens et qui constituent des réponses à des questions posées, Jamblique rapporte celui-ci : τί δὲ ἀληθέστατον ; ὅτι πονηροὶ οἱ ἄνθρωποι (Diels, I, 45 C, 4). On cite aussi de Bias cette sentence : οἱ πλεῖστοι ἄνθρωποι κακοί (Diels, II, 73 a).
  2. Cf. Charmide, 160 a.